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mars 1848, le Roi recevait, la casquette à la main, une délégation polonaise de prisonniers politiques libérés par le peuple victorieux dans les rues de Berlin et promettait de faire étudier la réorganisation de la Posnanie, le futur chancelier de l’Empire, hobereau inconnu alors, mais attentif aux choses de son temps, sentait déjà que la question polonaise était une épine empoisonnée au talon de la Prusse. Le 20 avril, il écrivait dans la Gazette de Magdebourg : « Encore une fois, l’enthousiasme allemand, à son propre dommage, a tiré les marrons du feu. J’aurais trouvé explicable que le premier essor de la force et de l’unité allemandes se fût donné carrière en réclamant l’Alsace à la France et en plantant le drapeau allemand sur la cathédrale de Strasbourg… Un développement national de l’élément polonais dans la province de Posen ne peut avoir aucun autre but raisonnable que de préparer les voies à la reconstitution d’un royaume de Pologne indépendant. On peut vouloir replacer la Pologne dans ses frontières de 1772 (comme les Polonais l’espèrent, encore qu’ils gardent le silence là-dessus), lui rendre toute la Posnanie, la Prusse occidentale et la Warmie ; alors seraient coupés les meilleurs tendons de la Prusse. (Dann wurden Preussens beste Sehnen durchschnitten.)… Comment un Allemand peut-il donc, par sentimentalité pleurarde et par amour de théories impraticables, faire ce rêve extravagant de créer dans le plus proche voisinage de sa patrie un ennemi infatigable qui s’efforcera toujours de faire dévier vers la guerre ses agitations fiévreuses du dedans et qui nous tombera sur le dos à chaque complication que nous aurons à l’Ouest ? En conséquence, je tiens notre politique actuelle en Posnanie… pour le plus regrettable don quichottisme que jamais un État ait entrepris pour sa ruine… »

Bismarck traduira plus tard ces sentimens en lois de combat. « La nécessité de commencer le Kulturkampf, dit-il dans ses Mémoires[1], s’imposa à moi par le côté polonais de la question. » Le moyen qui parut le plus sûr pour germaniser l’âme polonaise fut d’interdire à l’école l’usage de la langue par laquelle elle s’exprimait, se développait et se perpétuait. Qui a l’école a la jeunesse, qui a la jeunesse a l’avenir. Cet article du programme libéral valait contre les Polonais aussi bien que

  1. Gedanken und Erinnerungen, II, p. 127.