qui lui interdisait d’avoir une flotte de guerre dans la Mer-Noire. L’Autriche a été alors une des puissances les plus ardentes à soutenir le principe que l’Europe pouvait seule défaire ce qu’elle avait fait, principe que la Conférence énonça en termes formels. Ce qui était vrai en 1871 l’est encore aujourd’hui. La Russie, en dénonçant l’article du traité de 1856 qui neutralisait la Mer-Noire, avait écrit audacieusement : « Les altérations qu’ont subies, durant ces dernières années, les transactions considérées comme le fondement de l’équilibre de l’Europe, ont placé le Cabinet impérial dans la nécessité d’examiner les conséquences qui en résultent pour la position politique de la Russie… Il serait difficile d’affirmer que le droit écrit, fondé sur le respect des traités, comme base du droit public et règle des rapports entre les États, ait conservé la même sanction morale qu’il a pu avoir en d’autres temps. » Le prince Gortschakoff, auteur de cette dépêche, avait fait au cours de sa longue carrière un certain nombre d’observations qui lui auraient permis de défendre son opinion sur l’affaiblissement de tous les principes : cependant il finit par se rallier lui-même à l’idée de réunir une conférence où d’ailleurs satisfaction lui a été donnée, comme elle sera demain donnée à l’Autriche si elle consent à son tour à se rendre à l’appel qui lui est adressé par la Russie. La situation est, en effet, complètement retournée : c’est la Russie qui propose aujourd’hui de réunir une conférence. La proposition russe a été aussitôt accueillie par nous, et sans doute elle le sera finalement par les autres puissances ; toutefois, quelques hésitations se sont produites au premier moment, et elles ne sont pas encore tout à fait dissipées. Au surplus, ces hésitations sont assez naturelles. Elles le sont de la part de l’Autriche qui n’admet pas qu’on remette en cause ce qu’elle a fait ; elles le sont encore plus de la part de l’Angleterre, qui demande quel sera le programme de la Conférence, et s’il est possible de le limiter strictement. Il est certainement possible de limiter le programme de la Conférence, et il l’est aussi de donner toute sécurité à l’Autriche. Que l’Autriche ait eu tort ou raison d’annexer l’Herzégovine et la Bosnie, le fait est accompli ; elle est engagée : personne ne lui demandera de renoncer à ce qu’elle a pris. Il semble même que la Porte, dont l’attitude a été très digne dans cette suite d’événemens si douloureux pour elle, se soit appliquée à écarter les objections à la Conférence qui auraient pu être faites à Vienne. Elle a protesté auprès des puissances contre l’acte bulgare, mais c’est à l’Autriche seule qu’elle a adressé sa protestation contre l’annexion des deux provinces, se réservant sans doute de traiter directement
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