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prénom de Pierre le nom de l’endroit où il était né. Nous ignorons, d’ailleurs, la date de sa naissance ; mais tout porte à croire qu’il avait seize ou dix-sept ans lorsque, vers 1548, il est venu s’inscrire comme apprenti dans l’atelier du peintre anversois Pierre Coeck, élève de Van Orley, et l’un des principaux continuateurs du style « raphaëlesque » importé par ce maître. A la mort, de Pierre Coeck, en décembre 1550, le jeune Breughel, pour achever son apprentissage, passa dans l’atelier d’un peintre-graveur, Jérôme Kock, qui, dès ce moment, s’occupait surtout de commander et de vendre [des œuvres d’art. En 1551, nous voyons « Pierre Brueghels, peintre, » admis, comme franc-maître, dans la Gilde des peintres d’Anvers ; et des dessins et gravures nous le montrent, l’année suivante, franchissant les Alpes, puis travaillant à Rome, et poussant son « tour » jusqu’à la Sicile. Enfin une vue des remparts d’Anvers, gravée d’après un dessin de Breughel, et portant la date de 1553, nous apprend que, dans les derniers mois de cette année, le peintre est revenu d’Italie, et s’est, de nouveau, fixé à Anvers. Encore ne savons-nous pas si, à ce moment de sa vie, et malgré son inscription à la Gilde anversoise, Breughel était déjà, proprement, un « peintre : » car le premier tableau daté que nous ayons de lui n’a été exécuté qu’en 1558, et toute son œuvre antérieure ne consiste qu’en une série de dessins, dont la plupart destinés à être reproduits en gravure. Mais cette abondante et remarquable série se charge, assez clairement, de nous renseigner sur la signification historique de toute la première période de la vie du maître.

Il y avait alors, dans les pays flamands, deux écoles, — ou plutôt deux catégories, d’artistes, — nettement distinctes : l’école élégante, « aristocratique, » des peintres d’histoire, et l’école populaire des peintres ou dessinateurs de « drôleries » et de « diableries. » Sujets, sentimens, procédés, tout cela différait absolument, d’une école à l’autre, comme différaient aussi les deux clientèles. Et nous sommes en droit de supposer que Pierre Breughel, d’abord, se sera préparé à faire partie de la première des écoles rivales. Dans l’atelier du « raphaëlesque » Pierre Coeck, il aura étudié les principes du grand art classique ; et c’est à cette éducation qu’il aura dû, plus tard, avec la merveilleuse maîtrise de son « métier, » son aspiration constante à simplifier, en l’ennoblissant, le genre populaire qu’il allait pratiquer. Il est vrai que le marchand Jérôme Kock, son second maître, désireux d’utiliser pour son commerce l’extraordinaire talent qu’il devinait en lui, doit l’avoir détourné de ses hautes visées : car les