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eu égard au nombre de ses membres, qui était de 20 092 au 1er janvier 1907, elle est, pour le moins, aussi économiquement logée que la Société de l’Est, dans sa vieille école.

Dans la « cour d’honneur, » sous des galeries, on aperçoit dès l’abord la boucherie, la charcuterie, la volaille, les légumes et les fruits. Un perron « de style » conduit au rez-de-chaussée où se développent, dans une enfilade de pièces qui ont été de luxueux salons, l’épicerie, la quincaillerie, la poterie, la cristallerie. Au premier étage, l’horlogerie, la bijouterie, la chapellerie, la lingerie, les chaussures, les articles de voyage ; j’y ai même aperçu des lits tout montés, des bicyclettes. Au second, l’atelier de couture ; la « pompe, » se trouve à l’étage supérieur, en voisinage avec la charcuterie, où s’élaborent, sans relâche, le boudin, les saucisses, la galantine truffée, les « saucissons d’Arles » et de « Lorraine. »

Cette association de fonctionnaires a établi dans tous ses services la régularité administrative ; elle leur a même imposé le décor approprié aux habitudes de ses membres. J’ai presque admiré les bureaux, où s’alignent des guichets grillagés, dans la sévère ordonnance d’un grand établissement de crédit ; surtout, la « Chambre du Conseil, » vaste salon « rouge et or, » qu’une grande table verte remplit presque tout entier, et qu’on dirait fait pour les délibérations d’une puissante compagnie financière. Les bénéfices atteignent le chiffre exceptionnel de 7 pour 100 ; mais les frais généraux dépassent 15 pour 100 ; et, quoique le chiffre des ventes soit de cinq millions, la fidélité des adhérens n’en laisse pas moins fort à désirer : le montant de leurs achats n’est, en moyenne, que de 262 francs par an. C’est que les frais de livraison à domicile sont fort considérables ; et d’autre part, les membres de l’Association, fonctionnaires de l’Etat, de la Préfecture de la Seine et de la Préfecture de police, s’ils ne sont pas tous aisés, ont du moins l’habitude d’un certain genre de vie, très différent de celui des ouvriers. Avant de faire partie de la coopérative, ils étaient les cliens des grandes maisons d’alimentation, et on pense bien que les relations ne sont qu’à moitié rompues. L’Association ne peut leur offrir ni la même variété dans le choix, ni la même commodité dans la livraison ; par la fatalité de son organisation, elle est condamnée à enfler ses frais généraux, et cependant à rester toujours au-dessous des exigences de sa clientèle. Mieux