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préoccupations de la vie ouvrière : le Nord, la Seine, le Rhône et la Loire. On peut évaluera 100000 pour chacun des deux premiers, à 21 000 et 18 000 pour les deux autres, le nombre des consommateurs associés pour l’achat du pain et des denrées d’épicerie[1]. Les adhérens y sont pour la plupart socialistes, de sorte que les socialistes comptent peut-être pour deux cinquièmes dans le nombre total des coopérateurs français. Les grandes coopératives du Nord sont surtout des boulangeries, dont les bénéfices alimentent la caisse du Parti. En 1904, à Roubaix, la grève de l’industrie textile avait son quartier général à la Paix, boulangerie socialiste qui compte plus de 4 000 membres, et qui paya aux grévistes 10 000 francs de « bonis anticipés. »

Dans l’Ouest, le Centre et l’Est, on trouve un grand nombre de Sociétés, presque toutes minimes, parmi lesquelles se détachent quelques-unes d’une réelle importance : la Ménagère, de Grenoble, la Laborieuse, de Troyes, la Philanthropique, de Saint-Remy-sur-Avre, la Fraternelle, de Cherbourg, qui ont chacune deux à trois mille sociétaires ; l’Union, de Limoges, qui en groupe plus de 10 000.

Le Midi est le désert de la coopération. Même dans les grandes villes, Bordeaux, Montpellier, Marseille, les coopératives sont insignifiantes, ou ont un caractère exclusivement professionnel. A Nîmes, foyer ardent de propagande, celle qui existe n’a que 550 membres ; à Toulouse, il n’y en a pas une seule. Devant cette constatation, on se prend à douter de l’efficacité de la méthode coopérative, que l’on a proposé récemment d’appliquer à la viticulture méridionale.

Enfin, dans les régions où la coopération paraît implantée, s’est manifestée une tendance très fâcheuse de la classe ouvrière : elle a multiplié les coopératives professionnelles dans une même ville. Au moins, les rivalités de parti ne provoquent qu’un dédoublement, comme à Lille, à Cherbourg, à Sotteville. Mais les rivalités corporatives divisent, subdivisent, émiettent en

  1. Bulletin de l’Office du Travail (septembre 1907) : Seine, 117 832 membres, 34 958 000 francs d’affaires ; Nord, 127 208 membres, 36 848 300 francs d’affaires ; Rhône, 23 803 membres, 5 257 300 francs d’affaires ; Loire, 17 721 membres, 5 367 000 francs d’affaires. Mais ces chiffres doivent être considérablement réduits ; dans la Seine, pour les motifs indiqués dans la note précédente ; dans le Nord, en raison de l’existence des brasseries, qui comptent 27 751 membres, ont fait 8 733 300 francs d’affaires, et qu’on a rangées à tort dans la catégorie des sociétés de consommation.