Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 47.djvu/852

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Pichegru les moyens de tenter quelque chose, j’avais répondu que je n’en croyais rien. J’ai objecté que je ne me rappelais rien de cela, mais que c’était possible, n’ayant jamais cru à Pichegru les moyens de rien tenter contre le gouvernement.

« Je ne puis me rappeler toutes les platitudes que contient cet interrogatoire de Rolland, qui est son second ; comme dans le premier, il n’a rien dit. Ces interrogatoires sont odieux ; ce sont des menaces, des promesses : on me dit qu’on a entendu derrière une porte la conversation avec Pichegru.

« J’oubliais que j’avais ajouté, aux observations sur la déposition de Rolland, que je ne connaissais en France aucun royaliste, ni dans l’armée, ni dans les autorités constituées, ni parmi les citoyens et notamment les acquéreurs des biens nationaux dont j’étais un des principaux. Rolland ajoute encore qu’il est venu ensuite me porter l’adresse de Lajolais.

« Voilà les seuls accusés qui ont parlé de moi : il n’a été nullement question de Georges ni des autres ; je n’ai été confronté avec qui que ce soit. J’ai appris cependant que plusieurs avaient déposé qu’on leur avait dit en Angleterre que j’étais royaliste, mais qu’ils s’étaient aperçus, en arrivant en France, qu’où les avait trompés. Lajolais dit aussi, dans un de ses interrogatoires, qu’il a appris que Georges m’avait fait faire des propositions, mais que je les ai rejetées.

« Voici maintenant le détail de mes conversations avec Pichegru. Dans la première, il ne m’a parlé que de sa radiation qui avait été refusée par le Consul ; il m’a demandé des nouvelles de ses anciennes connaissances, et puis s’en est allé après quelques minutes. Dans la seconde, il m’a parlé de ma position vis-à-vis du gouvernement ; des ennemis qu’il avait en France. Il m’a dit que le gouvernement ne reposait que sur le Premier Consul et que, s’il s’absentait pour la descente en Angleterre, il n’y avait pas de doute que les partis n’en profitassent pour troubler l’Etat. Je lui ai répondu que le Sénat était l’autorité à laquelle tous les Français se rallieraient et que je leur en donnerais l’exemple. C’est probablement ce qui a donné lieu à ce qu’il a dit à Lajolais et Rolland qu’il n’était pas content et que j’étais un ambitieux. Pichegru ne m’a jamais parlé des projets de Georges ni des siens. Dans tout cela, il apparaît que Lajolais a voulu justifier, à mes dépens, l’arrivée de Pichegru.

« La déposition de Rolland révèle un espion de police qui