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comme une conséquence de « ce grand et fatal renversement, » le Roi ne put se contenir et s’écria avec vivacité : « Eh ! mon Dieu, ce n’est pas moi qui ai détrôné Charles X ; c’est lui-même qui a voulu se perdre, malgré les avertissemens et les conseils de la France et de l’Europe réunies. Quant au Duc de Bordeaux, il a été impossible de le mettre en avant au milieu de l’effervescence qui régnait alors et qui dure encore ; je n’aurais eu qu’à le nommer le jour où j’ai été à la Commune de Paris et on m’aurait mis en pièces avec lui, s’il avait été présent. Mon appel au trône a été un mouvement irrésistible et mon acceptation un acte de nécessité, sans lequel la terreur allait commencer à l’instant même à Paris et une épouvantable confusion dans le reste de la Fiance et de l’Europe. — Je m’estimerais heureux, » dit le Roi en terminant, « si je pouvais parvenir à convaincre l’Empereur de cette vérité. »

Ces épanchemens du Roi ne réussirent pas à convaincre Pozzo, qui continua à signaler la propagande internationale des révolutionnaires français, le danger général, la faiblesse du gouvernement, etc. Louis-Philippe s’appliquait à réfuter énergiquement ces assertions. Il assura que la révolution belge le désolait autant que personne ; qu’il avait décliné la proposition d’occuper les places fortes de Belgique par des garnisons françaises ; qu’il refusait d’accepter la couronne de Belgique aussi bien pour lui que pour un prince de sa famille. A la fin de cette longue audience, le Roi crut devoir assurer le comte Pozzo di Borgo que son plus vif désir était de maintenir avec la Russie et le Tsar les relations les plus amicales. Quant à l’ambassadeur, il recommandait sérieusement à son gouvernement, à la fin de son rapport, de ne pas irriter les Français, et de leur donner la possibilité de se calmer et d’organiser leurs affaires intérieures. Viendra un moment où l’ordre sera rétabli en France, ainsi que les anciennes relations d’amitié avec la Russie. (Dépêche du 11/23 octobre 1830.)

A la retraite du comte Molé, le Roi eut soin de prévenir Pozzo di Borgo qu’il se proposait de confier le poste de ministre des Affaires étrangères au général Sébastiani. Le Roi savait que l’ambassadeur se défiait de ce diplomate : aussi crut-il devoir l’assurer qu’il l’obligerait à tenir compte des vœux de la Russie et de l’Empereur. Le comte Pozzo répondit au Roi qu’il n’avait en effet aucune confiance dans la personne de Sébastiani, mais