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« C’est sur vous, Sire, » écrit-il en terminant sa longue lettre, « que la France a surtout les yeux fixés ; elle aime à voir dans la Russie son allié le plus naturel et le plus puissant. Sa confiance ne sera point trompée ; j’en ai pour garant le noble caractère et toutes les qualités qui distinguent Votre Majesté Impériale. »

Cette lettre, écrite d’un bout à l’autre de la propre main du Roi, était munie de la signature suivante : « Monsieur mon Frère, de Votre Majesté Impériale, le bon Frère Louis-Philippe. »

L’empereur Nicolas fut obligé de répondre. Il donna l’ordre à son ministre des Affaires étrangères de rédiger un projet de lettre. L’ordre fut exécuté, et le projet fut soumis à Sa Majesté. Dans ce projet, selon l’usage reçu, l’Empereur s’adresse au Roi avec les mots : Monsieur mon Frère. L’Empereur les effaça au crayon et y substitua le mot : Sire. Par cette formule, l’Empereur s’abaissait en quelque sorte devant le roi des Français, car tous les simples mortels s’adressaient à lui en usant du même terme. Quoi qu’il en soit, cette violation des formes généralement admises dans les rapports entre souverains, aussi bien que le ton de la lettre, devaient péniblement impressionner Louis-Philippe. « Votre Majesté, » écrivait Nicolas, « a pris une détermination qui lui a paru la seule propre à sauver la France de plus grandes calamités, et je ne me prononcerai pas ici sur les considérations qui l’ont guidée. Mais je forme des vœux pour que la Providence divine veuille bénir les intentions de Votre Majesté et les efforts qu’Elle va faire pour le bonheur du peuple français. » Complètement d’accord avec ses alliés, l’Empereur prend acte des intentions du roi des Français d’entretenir avec tous la bonne intelligence et d’observer scrupuleusement les traités conclus.

Le projet proposait comme signature : Monsieur mon Frère. L’Empereur l’effaça encore cette fois et usa de la formule ordinaire de politesse.

Cette lettre de l’Empereur au roi Louis-Philippe fut signée le 18/30 septembre 1830. Nous avons encore une autre lettre de la même date au roi des Français, en réponse à la lettre confidentielle de celui-ci. Sur le projet l’empereur Nicolas Ier substitua encore une fois le mot Sire à la formule Monsieur mon Frère. L’Empereur fut très satisfait de ce projet et mit l’annotation suivante en français : cette lettre est très bonne. Connaissant les sentimens de l’Empereur, on peut être certain que s’il a