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est un personnage pacifique, par caractère et par intérêt ; mais il manque d’énergie et assiste lui-même au dépouillement de tous les attributs de la royauté, même telle qu’elle peut exister en France. »

Le Roi l’ayant fait appeler de nouveau, l’ambassadeur se rendit à cet appel, mais toujours seulement à titre privé. Le Roi lui fit part de sa résolution d’envoyer à Saint-Pétersbourg en qualité d’ambassadeur extraordinaire le général Athalin, qui jouissait de sa confiance et de son estime. Cet ambassadeur extraordinaire aurait la mission de notifier au gouvernement russe son avènement au trône de France. Louis-Philippe, ajouta « qu’il espérait trouver dans Sa Majesté la continuation de l’intérêt qu’elle a bien voulu témoigner à la France jusqu’ici, expectative, a-t-il déclaré, partagée par la nation entière. » En annonçant à Saint-Pétersbourg l’arrivée de cette ambassade, Pozzo di Borgo était visiblement tourmenté de savoir si elle serait reçue par l’Empereur. Il était dans l’impossibilité de prévoir la décision que prendrait son souverain. Il ne savait même pas s’il faisait bien de rester avec le personnel de l’ambassade à Paris. Ne ferait-il pas mieux de quitter la capitale et de suspendre ainsi pour quelque temps ses relations avec le gouvernement français ?

A ses risques et périls il resta, comme le firent tous les représentans des autres puissances de l’Europe. « Les autres puissances, » écrit-il, « n’ont d’autre alternative que celle de reconnaître l’autorité de fait ou de n’avoir aucune relation avec la nouvelle dynastie. La première hypothèse exige un grand sacrifice de principes et, si je puis m’exprimer ainsi, d’inclinations ; la seconde amènera infailliblement une guerre universelle entre la France et le reste de l’Europe, moins l’Angleterre. » Une guerre de cette nature aurait nécessairement comme résultat l’abolition de la monarchie en France et l’établissement de la République. En attendant, « s’il est possible d’arrêter ce volcan, ce ne sera qu’en le laissant se calmer ou se consumer. » A la fin d’août, avant d’avoir reçu des instructions, l’ambassadeur revient encore sur la nécessité de reconnaître Louis-Philippe et use d’argumens qui semblent irréfutables. « Il est certain, » écrit-il à son ministre le 13/25 août, « qu’il n’existe dans cette nombreuse communauté de 32 millions de Français d’autre pouvoir public avec qui le reste du monde puisse communiquer que celui du nouveau Roi. Les relations avec lui deviennent donc