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pour la prospérité de ce jeune pays qui, grâce à la sagesse de Votre Altesse Royale et aux qualités remarquables du peuple bulgare, a pris un essor digne d’éloges. » Le prince Ferdinand ne pouvait que répondre en termes chaleureux, lui aussi, aux souhaits qui lui étaient adressés. Il n’a pas manqué de le faire, et, comme on a fêté cette année le soixantième anniversaire de l’avènement de l’empereur François-Joseph au trône, il a tenu à joindre ses hommages et ses félicitations à ceux, a-t-il dit, de « tant d’autres chefs d’État. » Ce dernier mot a dû frapper à Constantinople.

Les choses en sont là : il ne semble pas que, ni d’un côté, ni de l’autre, on mette beaucoup d’empressement à les arranger. Les Jeunes-Turcs ne sont pas tout à fait d’accord entre eux ; mais ils sont en majorité partisans d’un programme de centralisation à outrance, dont la réalisation ferait rentrer dans le giron ottoman des pays qui en sont sortis à moitié, ou aux trois quarts, ou même aux neuf dixièmes : la Bulgarie, peut-être aussi l’Egypte… Ce sont là des vues d’avenir qu’il n’est pas prudent d’afficher en ce moment. Si les Jeunes-Turcs ne les affichent pas encore, ils en laissent apparaître certains symptômes significatifs, en quoi ils s’exposent à se créer des difficultés nouvelles. N’en ont-ils pas déjà assez ? Espèrent-ils atténuer celles du dedans en orientant les esprits au dehors ? Ce serait un jeu périlleux.


Nous ne pouvons pas nous plaindre de vivre dans un temps où il n’arrive rien d’extraordinaire. Les surprises les plus imprévues se multiplient. La révolution ottomane en a été une, et, certes, très étonnante ; mais celle que nous a donnée le succès du Congrès eucharistique à Londres ne l’a pas été beaucoup moins. Lorsqu’on connaît l’histoire de l’Angleterre, lorsqu’on se souvient des abominables persécutions dont les catholiques y ont été l’objet, lorsqu’on se rappelle l’horreur du papisme et de toutes ses manifestations extérieures dont les cœurs y ont été remplis, on reste confondu de surprise, ou plutôt d’admiration, devant l’éclatant exemple de tolérance que ce grand pays vient de donner. Sans doute, le catholicisme y a fait des progrès dans le cours du dernier siècle, et même des progrès sensibles ; les grandes figures de Newman et de Manning dominent tout ce mouvement, après l’avoir déterminé ; il se poursuivra encore. Mais l’Angleterre est restée en immense majorité protestante, et rien n’autorise à croire qu’elle ne tienne pas à sa foi avec autant de force que par le passé. Elle n’est pas devenue catholique, tant s’en faut ; elle n’est pas non plus devenue indifférente ; seulement, elle est libérale et elle