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dîner refusé à M. Guéchof remettait en question un fait, un droit que la Bulgarie considérait comme acquis. Il devait en résulter un vif mécontentement à Sofia, et ce mécontentement ne sera certainement pas dissipé par la note ottomane dont parlent les journaux, s’il est vrai que cette note se contente de protester contre toute intention d’avoir voulu offenser la principauté, sans lui donner d’ailleurs d’autre satisfaction.

Ce premier incident a été suivi d’un autre dont l’initiative est venue, cette fois, du côté bulgare. La liberté dont jouit depuis quelques semaines l’Empire ottoman a produit tout de suite une conséquence fâcheuse. Les ouvriers des chemins de fer orientaux se pont mis en grève. Les trains ont marché quand même, plus mal sans doute. Le gouvernement bulgare s’en est préoccupé et, l’un de ces trains traversante Roumélie sur un espace de 150 kilomètres, il a mis ses soldats à la place des grévistes. La grève a pris fin ; le gouvernement ottoman a demandé à la Bulgarie de retirer ses employés et ses soldats et de rendre l’exploitation de ses trains à la Compagnie des chemins de fer orientaux ; mais le gouvernement bulgare s’y est refusé, et il persiste dans son refus, malgré les protestations de la Porte, sous prétexte que les populations rouméliotes ne toléreraient pas la restitution de l’exploitation à la compagnie ottomane. Le gouvernement bulgare estime sans doute que, puisqu’il a pu s’emparer autrefois de la Roumélie elle-même, il doit être encore plus facile de mettre la main sur une voie ferrée qui la traverse. Ces incidens n’auraient pas une grande gravité en temps normal ; mais peut-être n’y a-t-il pas de temps normal entre la Bulgarie et la Porte ? Il y en a aujourd’hui moins que jamais.

Sur ces entrefaites, le prince Ferdinand, accompagné de sa femme, la princesse Éléonore, est allé faire visite à l’empereur et roi François-Joseph à Buda-Pest. Il a été reçu avec des honneurs souverains : l’intention extrêmement bienveillante du gouvernement austro-hongrois à son égard s’est manifestée d’une manière tout à fait propre à encourager les espérances du prince et de la principauté. Le vieil empereur d’Autriche est trop correct et trop sage pour avoir dépassé la mesure dans le toast qu’il a prononcé : il s’est contenté de la bien remplir. « En souhaitant, a-t-il dit, à Vos Altesses royales très cordialement la bienvenue, je me plais à considérer leur visite comme un gage précieux pour le maintien et le développement des excellens rapports qui, je le constate avec plaisir, existent déjà entre l’Autriche-Hongrie et la Bulgarie. Je forme des vœux chaleureux