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ses plus ardens promoteurs, une véritable suprématie intellectuelle parmi les peuples de la terre[1]. C’est, après le trust des religions, le trust de l’intellectualité.

Il ne faudrait pas, si nous inclinions à trouver cet enthousiasme un peu naïf, oublier que le peuple américain, grâce à son génie organisateur et à ses ressources colossales, s’est vu souvent réaliser d’un seul coup de grands desseins et improviser de grandes choses. Mais il ne s’avise point assez que ce sont celles où la collaboration du temps n’est pas nécessaire ou du moins indispensable. Son audace peut bien surmonter tous les obstacles ; elle ne saurait remonter en quelques années le cours des siècles et ravir à ceux-ci leur trésor d’épargnes patientes et de traditions lentement amassées. Libre à eux d’ailleurs d’estimer que nous le payons assez cher et de ne pas nous l’envier à ce prix. Mais nous le leur abandonnerions qu’ils ne pourraient nous le prendre, car il ne fait qu’un avec nous.

C’est pourquoi l’Université nationale de Washington ne suffirait sans doute pas à « assurer aux Etats-Unis la suprématie sur tous les peuples de la terre. » C’est pourquoi aussi les Universités déjà existantes ont encore, en dépit de leurs progrès réels, de plus grands progrès à réaliser. Leur vie un peu factice est superposée comme du dehors à celle de la nation : elle n’en émane point ; elle n’est même pas toujours fondue avec elle. Il est assez juste, en ce pays où des circonstances exceptionnelles semblent avoir renversé les lois ordinaires du développement historique, de compter sur l’organe pour créer la fonction. L’organe est donc créé, vigoureux, magnifique. Et en attendant que le temps lui donne un fonctionnement tout à fait normal, naturel, la volonté humaine, par d’habiles dispositions, lui en assure un plus ou moins artificiel. Il y a beaucoup d’illusions, et quelque puérilité, dans la complaisance avec laquelle certains Américains croient à leur culture classique. Mais si déjà beaucoup déjeunes gens se persuadent volontiers qu’ils sont devenus des humanistes consommés, si c’est une mode pour les deux sexes d’imiter les études philologiques de l’Allemagne ou les études littéraires de la France, cela même est un signe du prix qu’on y attache et du cas que l’on en fait. L’influence allemande,

  1. John W. Hoyt, Mémoire présenté au Sénat en août 1892. Voyez Compayré, Rapports de la Délégation envoyée à l’Exposition colombienne de Chicago, etc., 1893, p. 291.