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Et si la première fonction de l’école américaine est de préparer à la vie, la seconde est de préparer à la vie nationale. Car cette société laborieuse et hétéroclite veut être une nation. À cette exigence vitale elle subordonne toutes ses activités. Nous avons vu la religion s’y plier. L’école ne pouvait manquer d’apparaître aux Américains dans toute l’étendue de son rôle assimilateur. Elle prend l’enfant de l’immigré, et rien qu’en le mêlant à ceux qui sont nés dans le pays, en lui apprenant la langue, elle le façonne à l’image commune, elle l’adapte à l’idéal commun. Mais son zèle ne s’en tient pas à cette action mécanique, à cet automatisme déjà puissant. Elle met une méthode rigoureuse au service d’une volonté consciente. Tout est ordonné, disposé de manière à créer et à développer chez l’écolier le sentiment national, le patriotisme et le civisme. On ne s’adresse point prématurément à son intelligence pour lui expliquer les idées à la fois abstraites et compliquées d’Etat, de nation, de patrie ; on ne s’attache point d’abord à le convaincre, par des raisons dont la logique lui échapperait peut-être et des analyses où il s’égarerait sûrement, qu’il doit aimer son pays, le respecter et se conduire en bon citoyen. Ou du moins cet enseignement se simplifie, se fortifie et s’anime d’un esprit qu’entretiennent des procédés plus directs et plus efficaces, à la portée des écoliers les moins doués comme des maîtres les moins habiles. Une loi de l’Etat exige que le drapeau national « flotte à l’extérieur des écoles pendant les classes ; il est placé bien en vue à l’intérieur et salué chaque matin par les élèves... On leur apprend à tous les hymnes nationaux[1]. » Pour les plus jeunes, il y a même des exercices fondés sur cette loi déjà citée, mise en lumière par la psychologie américaine, que nos émotions dépendent de nos gestes, de nos attitudes et de nos actes : on met aux mains des enfans de petits drapeaux qu’ils agitent en mesure d’un air de triomphe ou de défi et qu’ils pressent sur leur cœur, avec une mimique destinée à réaliser au dehors, pour les ébaucher au dedans, les sentimens qu’ils doivent éprouver et qu’ainsi ils éprouvent déjà...

Ces sentimens, toute la partie de l’instruction qui n’est point consacrée aux connaissances pratiques a pour objet de les éclairer, de les fortifier, de les approfondir. Quand M. J. Huret

  1. Félix Klein, Au pays de la vie intense.