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ou politique ne les sépare. Ils s’attachent à développer les vertus actives, qu’exige l’âge moderne comme d’autres temps exigèrent les vertus passives d’humilité et d’obéissance, et ils rappellent cette vieille leçon trop oubliée que les vertus surnaturelles sont l’achèvement des vertus naturelles et, par conséquent, loin d’en pouvoir dispenser, les présupposent. On peut se demander si, sous cette forme qui lui donne tant de prise, qui la rend si aisément « prêchable » à un peuple dévoré d’activité, dominé par les intérêts de ce monde, la religion n’est pas un peu trop esclave de la vie au lieu d’en être souveraine. Esclave ? Oui, comme l’homme est esclave de la nature quand il se soumet à ses lois ; seul moyen qu’il ait d’en devenir le maître. Si la religion s’abaisse vers la vie pour l’élever jusqu’à elle, est-ce faillir à sa mission ? Et l’aimerions-nous mieux dédaigneuse ou hostile, superbement isolée ou campée en adversaire ? Ce corps qui ne cesse de grandir a besoin de maintenir son unité ; cette vie adonnée aux œuvres matérielles doit entretenir le sentiment de ses destinées supérieures. La religion américaine satisfait une double aspiration, spirituelle et nationale. Les progrès du catholicisme dans l’opinion, le prestige dont il est entouré, l’estime où le tient l’Etat, attestent suffisamment qu’il s’est signalé dans l’œuvre commune par ses services et par ses succès.


V

Ainsi s’explique, pareillement, le prestige de l’éducation. Elle a une fin tout utilitaire. « Le jeune Américain est possédé du désir de s’instruire, non par amour de la science, comme j’ai pu m’en assurer au cours de nombreux entretiens, mais parce qu’aujourd’hui la science signifie pour lui : dollars et fortune[1]. » Il faut une certaine vigueur intellectuelle et des connaissances pour le commerce, la banque, les affaires en général ; les sciences, grâce aux applications industrielles, sont devenues d’indispensables auxiliaires du travail. La richesse enfin, une fois acquise, crée des obligations, entraîne à des raffinemens, qui ne s’accommodent guère d’un état trop primitif et trop fruste. L’instruction est donc, de toutes façons et à tous égards, bienfaisante, nécessaire. Mais elle reste un moyen.

  1. Fraser, trad. fr., p. 78.