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se forma contre le pouvoir. Le duc du Maine y entra par complaisance pour sa femme et en devint le chef nominal. Cette opposition commença à agir sourdement, de concert avec le cardinal Alberoni, « qui s’était mis en tête de bouleverser l’Europe et fut sur le point d’en venir à bout[1]. » Plus ou moins avertie de ces menées, Mme de Maintenon tremblait devant les conséquences fatales qu’elle entrevoyait déjà pour ses enfans adoptifs. Tout son émoi s’épanchait dans le cœur de sa nièce, Mme de Caylus[2].

Le 19 juin 1717, le duc du Maine déposa au Parlement sa protestation « contre tout ce qui pourroit être décidé par jugement ou autrement, » au préjudice de ses dernières prérogatives. Cela ne fit qu’amener un arrêt de la Cour souveraine, en date du 1er juillet, abolissant le droit de succession à la couronne en faveur des bâtards. Porté par son caractère à l’indulgence et soucieux de ne pas déplaire à la duchesse d’Orléans, sœur du duc du Maine, le Régent adoucit la forme de l’édit qui en résulta ; mais la haine du duc de Bourbon (Henri-Louis) contre son oncle et sa tante, le duc et la duchesse du Maine, — haine qui avait eu sa source dans un procès de famille au sujet de la succession de feu M. le prince Henri-Jules ; — la jalousie du duc de Saint-Simon, contre les légitimés, poussèrent le Régent à anéantir les titres qui mettaient ces derniers en possession des privilèges des princes du sang. Cet arrêt de 1717 précipita le drame dont le duc et la duchesse du Maine allaient se faire les acteurs et devenir les victimes.

Ainsi menacée, la plus forte tête du ménage entendait bien soutenir la campagne en faveur de ce qu’elle appelait « les droits de son époux. » « S’ils dorment, disait-elle en parlant de ses ennemis, nous dormirons ; s’ils se réveillent, nous nous réveillerons. » Elle quitta l’hôtel du président de Mesme, pour aller s’établir aux Tuileries, auprès du petit Roi, dans le logement affecté au duc du Maine comme surintendant de l’éducation royale. Cette charge, on venait de l’enlever à son mari pour la donner au duc de Bourbon : raison de plus, comme protestation,

  1. A. E., 63, f° 51, 317 et 326 ; Saint-Simon, 6 juin 1717 ; Buvat, t. I, p. 284.
  2. Maintenon à Caylus, 6 Juillet 1717.