Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 47.djvu/594

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

perdra sûrement rien à vous avoir pour médiatrice. Mille respects et tendres embrassemens de la part de ma femme et de la mienne à cette chère et digne maman, à toute sa charmante famille, mais surtout à celle qui en est la gloire, et que nous chargeons aussi de nos devoirs auprès de son cher mari.


A Madame de Lessert, à Lyon.


[Paris], ce 4 octobre [1774], à la hâte.

Grand merci, chère cousine, du bien que vous me faites, et par votre aimable lettre pleine de la tendresse la plus amicale et par la bonne nouvelle que vous me donnez du mariage de votre cher frère, et par les marques de confiance et d’amitié dont cette nouvelle est accompagnée tant de votre part que de celle de votre excellente maman, dont je partage la joie ainsi que la vôtre dans cet agréable événement qui nous intéresse tous. Je voudrais en cette occasion remplir un devoir bien doux en écrivant à la maman, mais M. Gaujet, qui veut bien venir ce matin prendre ma lettre, me laisse peu de temps, qui est encore abrégé par une compagnie qui va m’arriver et qui me force de m’habiller en hâte pour la recevoir. Le choix de monsieur votre frère, qui a préféré le mérite à la fortune, est bien digne des sentimens que j’ai cru lui connaître. Son humeur égale et douce, son caractère plein d’honnêteté doivent assurément produire le bonheur commun dans un mariage bien assorti. Et je ne doute point qu’il n’y trouve le sort heureux que mon cœur lui désire[1].

Comme, pour lire votre lettre à mon aise, j’ai tardé de rouvrir après le départ de la compagnie, j’ignorais qui était la personne dont M. Gaujet était accompagné, car M. Gaujet ne m’en parlait point, et il ne me parlait point lui-même ; de sorte que si je n’eusse pris enfin le parti de lui adresser la parole, j’eusse peut-être ignoré l’intérêt que vous preniez à lui, et par conséquent celui que j’y devais prendre moi-même, jusqu’après leur départ. Parent de votre cher mari, attaché à votre maison et honoré de votre estime, il a tous les titres possibles pour être toujours reçu chez moi avec plaisir et empressement, comme le

  1. Ce passage fait allusion au mariage de François-Louis Boy de la Tour avec Henriette-Marguerite Bontems. Mariage moins heureux que ne le souhaitait Rousseau, car il fut rompu par le divorce au bout de deux ans.