Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 47.djvu/581

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la demeure est un peu loin d’ici. Si par hasard vous aviez la facilité de les faire prendre, vous m’épargneriez de l’embarras, et je vous en serais très obligé.


A Madame de Lessert, née Boy de la Tour, à Lyon.


A Paris, le 5 décembre 1772.

Enfin, chères cousines, je me suis évertué, et, triomphant de mon indolence toujours croissante, je suis allé hier chez messieurs Zolicoffre, et j’ai remis vos Fables de La Fontaine au même à qui j’avais parlé précédemment, lorsque je fus la semaine dernière les prier de se charger de cet envoi. Il m’a promis de vous les faire parvenir emballées et franches de port. Je n’ai osé les faire relier, dans la crainte que vous ne m’en sussiez mauvais gré. Je vous conseille même de ne les faire relier vous-même que quand vous les aurez bien feuilletées avec vos enfans. Alors cet ouvrage battu et relié reprendra un tout autre air, les feuilles perdront le grippé qui s’y est fait par ma négligence, et l’encre ayant eu le temps de bien sécher, les estampes ne maculeront pas à la reliure. Je n’ai pas besoin, je crois, de vous prévenir que je n’ai pas acheté-ce livre ; c’est un présent que je n’ai accepté que pour le rendre utile entre vos mains.

J’ai appris dans ce voyage que la perte d’un de ces messieurs, à laquelle je prends part comme à tout ce qui vous intéresse, engagerait peut-être votre cher époux à faire en ce pays un second voyage. Si cela est, et qu’il veuille bien se souvenir de moi, je gagnerai à ce malheur le plaisir d’apprendre bien en détail de vos nouvelles, qui m’intéressent encore plus en ce moment, s’il est possible, vu la situation où vous vous trouvez. Vous avez maintenant auprès de vous votre excellente maman, bien rétablie, à ce que j’ai appris avec grande joie. J’espère que vous ferez quelquefois mention de moi avec cette chère amie et avec mon aimable tante. Parlez-moi de ce retour, de vos enfans, de toute votre famille et de tout ce qui vous touche ; il me semble que j’ai plus faim qu’à l’ordinaire d’une lettre de vous. Vous ne tarderez pas à en recevoir de moi une seconde ; car celle-ci, qui n’est qu’une lettre d’avis, ne doit entrer en ligne de compte que comme l’annonce d’une plus étendue que j’espère vous écrire dans peu.