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grand, la plupart de ses morts et de ses blessés. Tout avait été préparé avec précision par nos généraux ; l’exécution n’a pas été moins sûre de la part du colonel Alix. Ils méritent également notre reconnaissance.

Et qui sait s’ils ne méritent pas un peu celle de Moulaï Hafid ? Nous nous plaçons dans l’hypothèse où le nouveau sultan voudrait sincèrement s’entendre avec l’Europe et avec nous ; l’hypothèse est peut-être gratuite ; mais, à supposer qu’elle ne le soit pas, c’est une question de savoir si Moulaï Hafid pourra réaliser ses intentions. Ne sera-t-il pas débordé par le fanatisme dont il est le produit ? Il était bon de démontrer que le fanatisme, quelque violent qu’il soit, ne suffit pas contre l’artillerie européenne : la démonstration avait commencé dans la Chaouïa, elle vient de se terminer à Bou Denib. Si Moulaï Hafid a quelque esprit politique, il y trouvera de la force contre les exigences et les impatiences du parti qui l’a porté au pouvoir. Mais que savons-nous de lui ? Rien, ou peu de chose, et peut-être y aurait-il quelque imprudence à ajouter foi aux nouvelles diverses et souvent contradictoires que les dépêches nous apportent. Il est certain toutefois que, depuis sa proclamation à Tanger et dans les autres ports, Moulaï Hafid aurait eu le temps de donner signe de vie, c’est-à-dire de notifier son avènement à l’Europe et de lui demander de le reconnaître. Il n’en rien fait, il se tait, il attend, il réfléchit. Quel sera le résultat de ses réflexions ? Suivra-t-il les suggestions que M. Vassel lui apporte peut-être ? En trouvera-t-il d’autres dans sa propre intelligence ? Marchera-t-il dans le large sillon qui a été ouvert par l’Europe à Algésiras ? Se laissera-t-il tenter par l’esprit d’aventure ? Nous le saurons bientôt.


FRANCIS CHARMES.


Le Directeur-Gérant,

FRANCIS CHARMES.