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que nous étions occupés à rédiger, avec l’Espagne, des propositions qui lui seraient soumises dès qu’elles seraient arrêtées, et qu’il ne nous semblait pas que Moulaï Hafid dût être reconnu auparavant. Cette réponse, qui remettait les choses au point, était si naturelle qu’elle a été faite par les autres puissances, à peu près, semble-t-il, dans les mêmes termes : toutes ont fait savoir au gouvernement allemand qu’elles attendaient la note franco-espagnole avant de se prononcer. Quelque diligence que nous y ayons mise, la rédaction de cette note a pris plusieurs jours. Le gouvernement espagnol tenait, comme nous, à honneur de ne pas présenter à l’Europe des propositions improvisées ; il a voulu en peser tous les termes, et il l’a fait avec l’attention la plus minutieuse ; notre collaboration, malgré la bonne volonté que nous y avons mise de part et d’autre, n’a pas pu aboutir du premier coup. Enfin l’accord a été réalisé : nous espérons qu’il amènera à brève échéance une entente générale. Le gouvernement allemand a paru vouloir dissiper les impressions qu’avait fait naître sa première démarche, impression qui venait, disait-il, d’un malentendu : jamais il n’avait voulu se séparer des autres puissances par une reconnaissance anticipée et isolée du nouveau sultan ; il n’avait pas eu d’autre but que d’appeler leur attention sur l’utilité qu’il y avait à opérer cette reconnaissance en commun, mais le plus tôt possible. Si ce sont là ses dispositions, elles sont excellentes, et il importe peu qu’il leur ait donné au début une forme sur laquelle on a pu se tromper. Nous souhaitons qu’il y persiste, car nous croyons comme lui qu’il y a utilité à reconnaître rapidement Moulaï Hafid. Que faut-il pour cela ? Que l’Allemagne, se ralliant aux propositions franco-espagnoles, lui en conseille la prompte acceptation. Mais le fera-t-elle ?

Tout le monde est disposé à reconnaître Moulaï Hafid, et même désireux de pouvoir le faire. Un des motifs qui donnaient à la démarche allemande un caractère peu obligeant est qu’elle semblait dire que nous n’éprouvions aucun empressement à régulariser la situation marocaine, et que, tout entiers à nos regrets de l’échec d’Abd-el-Aziz, nous risquions de nous immobiliser dans cette attitude négative, en attendant du ciel un miracle impossible. Rien n’était plus loin de notre pensée. Il est bien vrai que, voyant dans Abd-el-Aziz le sultan légal du Maroc, celui que toutes les puissances avaient reconnu et avec lequel elles avaient traité, nous avons mis moins de rapidité que l’Allemagne à l’abandonner. Nous avons attendu que le sort des armes eût prononcé entre son frère et lui, puisque le sort des armes représente