Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 47.djvu/467

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

partie de la Souabe, Beatis n’a visité que des régions allemandes qui allaient précisément échapper aux atteintes du protestantisme, le Tyrol, la Bavière, et les bords du Rhin. Poursuivant sa description, le secrétaire du cardinal d’Aragon nous entretient des forêts, des champs cultivés, des pâturages, des nombreuses espèces d’animaux domestiques. Il nous peint l’aspect extérieur des rues, dans les villes et villages, avec une foule de maisons en bois, « mais très belles et charmantes au dehors, et parfaitement commodes au dedans. » Il est ravi surtout de la variété pittoresque des pignons, ainsi que de ces logettes triangulaires ou carrées, « souvent toutes peintes, avec des armoiries et d’exquises figures de saints, et d’où les habitans peuvent s’amuser à observer la rue. » L’architecture des églises allemandes, également, lui plaît fort. « Il n’y a pas si petit village qui ne possède au moins une belle église, avec un haut clocher pointu, des cloches d’un son très doux, et des verrières si grandes et d’un art si parfait que l’on ne saurait imaginer rien de plus magnifique... » Ainsi l’image se déroule, nous renseignant peu à peu sur toutes les particularités de la vie allemande. Impossible de tout citer, même en abrégé ; mais voici encore quelques lignes des dernières pages :


Les hommes, dans ce pays d’Allemagne, sont en général de grande taille, bien proportionnés, vigoureux, et d’un teint assez vif. Tous sont accoutumés, dès leur enfance, à porter les armes ; et le moindre village possède un champ de tir où l’on s’exerce, les jours de fête, non seulement à tirer de l’arc, mais à manier les piques, ainsi que toutes les autres espèces d’armes en usage dans ce pays. Je dois ajouter que, un peu partout, sur notre route, nous avons trouvé un nombre infini de roues et de potences, qui, en plus des ornemens artistiques dont elles étaient pourvues, s’ornaient aussi d’hommes pendus, et parfois de femmes condamnées en justice : d’où l’on peut voir que, dans ces régions, les lois sont appliquées avec grande rigueur ; et il faut bien reconnaître que les mœurs du pays rendent cette rigueur tout à fait nécessaire. Car comme tous les nobles habitent en dehors des villes, dans des châteaux très fortifiés, et où ont coutume de se retirer maints brigands, la vie des braves gens ne serait point possible si la justice se relâchait de sa sévérité...


Avec plus de développement encore, et une plus riche abondance de détails instructifs, Beatis procède ensuite à sa peinture de la vie et des mœurs des Pays-Bas. Ici, il n’y a plus rien qui ne plaise parfaitement à nos voyageurs, depuis l’aspect général des contrées jusqu’aux moindres nuances de la vie intime ; et la différence est si profonde et complète, avec l’Italie, que tout ce qu’ils découvrent se trouve être, pour eux, un objet d’étonnement et d’admiration. La probité des