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les propriétaires favorisent les syndicats jaunes, et voient de mauvais œil les syndicats rouges, affiliés à la Confédération Générale du Travail, prêchant la guerre sociale, la lutte de classes, la grève universelle, l’anarchie pure et simple, l’abolition de la patrie. Et l’on ne saurait s’étonner de cette aversion pour des sociétés où se trouvent des individus qui, sous couleur de sabotage, d’action directe, préconisent l’assassinat des personnes et la destruction des choses. Les syndicats ruraux sont trop récens pour avoir accompli beaucoup de besogne pratique : cependant ils ont réclamé et obtenu l’ouverture de chantiers communaux ou d’ateliers de charité pendant le chômage, pris des entreprises de travail à forfait, réclamé des augmentations de salaires, essayé de lutter contre la concurrence des étrangers ; pour les amorcer, des cours professionnels de taille de la vigne, greffage, fauchage, nivellement, ont été organisés par les syndicats des villes, à Narbonne, à Carcassonne. La Bourse du travail de Carcassonne fait presque seule le placement des métayers dans les environs : voilà un exemple de contrat collectif de travail, qui pourrait assurer aux propriétaires une main-d’œuvre constante, aux ouvriers des salaires plus rémunérateurs, une indépendance plus complète. Mais les ouvriers sont assez indépendans, s’ils ne sont pas assez rétribués.

Dans l’Aude, la plupart des statuts de syndicats débutent par un préambule ainsi conçu : « Considérant que l’émancipation des travailleurs ne peut être que l’œuvre des travailleurs eux-mêmes, que l’assujettissement des travailleurs aux détenteurs du capital est la source de toute servitude morale et matérielle... » Presque tous prévoient l’exclusion pour cause d’ivresse coutumière ; à Béziers, le fait d’appartenir à un cercle catholique ou société religieuse, entraîne l’expulsion de rigueur sans procéder à un vote quelconque ; de même Béziers n’admet que des ouvriers, rejette les patrons, ne veut pas entendre parler des syndicats mixtes, organes de conciliation, instrumens de concordat et d’harmonie : ceux-ci enlèveraient aux chefs le principal moyen d’action dont ils disposent.

Les Vignerons libres de Maraussan (près Béziers) ont fondé en 1901 une coopérative de production civile et anonyme à capital et à personnel variables, qui n’achète que le vin récolté par ses membres, et le revend au commerce ou à d’autres sociétés coopératives. Son but est nettement socialiste ; elle fait des prélèvemens,