Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 47.djvu/405

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

grec ? Serait-ce tout simplement pour imposer à un plus nombreux auditoire la parole sainte, faire percevoir à plus grande distance les textes tirés des Psaumes, des Actes des martyrs, de la Vie des saints, les antiennes propres à chaque fête, changeant chaque dimanche ?

La parole que les plus solides poumons de prédicateur ne sauraient porter à plus de quarante mètres, se comprend dis- tinctement à cent et plus, quand elle est psalmodiée par une voix d’enfant. Dans toutes les religions, les formes musicales se sont développées d’après une évolution en rapport avec les pro- portions architecturales des édifices.

Gardons-nous de croire que l’Antiphonaire, définitivement constitué vers 690 ou 700, ne contienne que d’anciennes mélopées ; à mesure que pour la religion nouvelle grandissait la liberté, pour les cérémonies nouvelles du culte, il fallait un répertoire musical plus considérable. A qui attribuer tant de charmantes pièces originales ? A qui les offices de l’Avent et de Noël, d’une suavité jusqu’alors inconnue ? Chose curieuse : alors que nous pouvons nommer quantité de poètes de l’Hymnodie catholique, nous ne connaissons pas un seul nom de musicien !

Avec ses cantilènes en modes dorien, éolien ou hypodorien, ionien ou hypophrygien et hypolydien (l’Église chrétienne répudie le phrygien comme trop « passionné, » et le mixolydien comme « trop théâtral »), avec son vocabulaire, sa grammaire et sa syntaxe, l’antique Homophonie liturgique régnera encore trois cents ans, jusqu’à Guy d’Arezzo. Puis survient la révolution, c’est-à-dire la Polyphonie : deux voix vont chanter en même temps deux parties différentes, puis trois, puis quatre, etc., et cette polyphonie encore gréco-romaine de tonalité ne finira guère qu’avec le XVIe siècle, à la mort de Palestrina, à la naissance du drame en musique. Et alors seconde révolution, celle-ci radicale : les modes antiques sont absorbés par la tonalité moderne, la gamme nouvelle.

Je me suis efforcé d’esquisser à grands traits les profils de l’œuvre historique de Gevaert, la plus forte, la plus attachante qui, dans l’espèce, ait été produite en langue française. Quand on parcourt ces pages si documentées sur les grands tragiques, sur la comédie d’Aristophane, sur le chant choral, la monodie ou la danse, on croit lire un roman ; nous vivons à Mitylène, à