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allouait à l’avocat : demande-t-il 430 francs ? « Habeat 21 francs, » dit la sentence. A un autre qui réclame 900 francs, la taxe répond : « Rien du tout, — Nihil, » — soit parce que le procès n’avait pas eu lieu, soit parce que le défenseur avait essayé de se faire payer par plusieurs cliens les mêmes frais de voyage.

Qu’ils soient établis à forfait ou à la journée, les honoraires sont toujours assez minces : « Une journée d’avocat comme celui-ci, dit un jugement de 1330, est en ce pays de 5 sols, — 10 francs actuels. — C’était une honnête moyenne. Qu’il fût, suivant sa classe, « de pays, » autrement dit de province, ou de parlement, l’avocat n’obtenait jamais plus de 16 francs par jour. Pour une plaidoirie les prix varient de 11 francs à 200 ; pour une cause, comprenant un certain nombre de plaidoyers successifs, ils oscillent de 100 à 1 000 francs et se tiennent en général aux environs de 150 francs. Jean Le Coq et Henry de Marle, qui plaident en 1339 comme exécuteurs testamentaires de l’archevêque de Reims, reçoivent, l’un 85 francs, l’autre 130 francs. Dans une affaire où ils requéraient 64 francs, deux avocats sont taxés ensemble à 8 fr. 60. On peut augurer des chiffres recueillis dans les archives que les gains annuels, attribués par quelques historiens à des célébrités de leur temps, à Guillaume du Brueil, à Jean des Mares, à Régnant d’Acy qui se faisait, dit-on, 4 000 florins au XIVe siècle, — soit 120 000 francs d’aujourd’hui, — sont de fantaisie pure.

Au lieu d’honoraires éventuels, les meilleurs avocats recevaient alors de leurs gros cliens un traitement fixe, une « pension, » système qui se perpétua jusqu’à la fin de l’ancien régime et qui n’a rien de commun avec la qualité d’« avocat-conseil » de nos grandes administrations publiques et de nos sociétés industrielles ou financières.

Ces pensions n’étaient pas énormes : les quatre avocats de la Ville de Paris au Parlement touchent 450 francs chacun (1387). Les échevins de Reims entretenaient à Paris 5 avocats aux gages de 500 francs chacun ; la ville de Lyon n’en avait qu’un et lui servait seulement 280 francs de pension (1420). Plus généreuse, une abbaye comme celle de Saint-Faron de Meaux allouait 540 francs et deux paires d’habits à son avocat, tenu de plaider partout où besoin serait (1363). Les grands feudataires, les grandes corporations, avaient naturellement aussi leurs défenseurs attitrés : ceux du roi de Navarre, Charles le Mauvais,