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Qu’on veuille bien comparer ces notes à l’analyse que nous avons donnée du discours de Lamartine : la concordance est absolue. Non seulement l’orateur ne s’est pas écarté un seul instant du plan qu’il s’était tracé, mais ses formules les plus saisissantes, ses images les plus heureuses étaient déjà toutes prêtes.

Remarque non moins curieuse. Il y a dans les notes deux phrases qui ne se retrouvent pas dans le discours. « Honte au patriotisme qui compte l’humanité pour rien ! » et « Vous qui ne reconnaissez pas le droit divin chez les rois, le reconnaissez-vous donc chez les peuples ? » Or, le lendemain, pris à partie par Odilon Barrot, Lamartine répondit. Dans cette brève réplique, je relève ces deux phrases : « N’y a-t-il pas un sentiment au-dessus du patriotisme, lui-même : le sentiment du développement de l’humanité ? » Et : « Vous, monsieur, qui ne croyez pas au droit divin des rois, croyez-vous donc au droit divin de la barbarie ? » Lamartine avait utilisé les phrases non prononcées la veille, et peut-être réservées en vue d’une riposte possible.

Nous voilà assez loin de l’éloquence jaillie sur l’heure, spontanément et par inspiration soudaine : dans ce genre d’improvisation, tout est préparé, prévu, médité. Lamartine vient d’étudier une question ; il classe dans sa tête ses argumens, il condense et polit les formules qui les résumeront. Il parle intérieurement son discours. Quand il le possède bien, il fixe sur le papier l’ordre, des commencemens de phrases, des traits. Ce sont les sûres attaches qui permettront à la phrase de se développer sans s’égarer… Mais, dites-vous, est-ce là improviser ? C’est cela même. À moins qu’il ne s’agît d’une allocution, d’une réplique, d’un toast, personne n’a jamais procédé autrement. Pas un discours de quelque importance qui, avant d’être improvisé, n’ait été longuement travaillé. Et c’est précisément ce qu’on appelle : l’improvisation.


VERS L’OPPOSITION

Nous ne pouvons songer à donner ici en son entier la correspondance que nous avons entre les mains ; — et nous le regrettons, tant il y a de liberté et de variété dans ces lettres souvent éloquentes, mais pleines aussi de détails familiers et de traits de belle humeur. Lorsque ses multiples travaux de député, de poète, de conseiller général, de journaliste, de propriétaire