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de la Chambre. Ils sont entrés dans cette cabine où dormait Lamartine, où il écrivait sous la lampe du matin et où il recevait les têtes couronnées du monde, — je veux dire les têtes pensantes, — entre son lit et sa table. On se rappelle dans l’atelier ce portrait un peu froid du poète entre deux lévriers à ses pieds, par Decaisnes, et cette odeur de tabac d’Orient courant partout, et ces feux clairs allumés dans les cheminées. » A la date où nous sommes, et dans le deuil si récent, le logis ne s’ouvre encore qu’aux intimes ; bientôt afflueront les amis de fraîche date, électeurs, collègues, journalistes, solliciteurs et flatteurs. C’est là que Lamartine passera tout le temps de sa vie parlementaire et là que le trouvera encore la Révolution de Février.

La session fut ouverte par le Roi, le 23 décembre. Le lendemain, la Chambre nommait Dupin à la présidence. Impatient de faire ses débuts, Lamartine ne se donna pas le temps de « prendre l’air » du pays où il entrait et d’en tâter le terrain réputé si glissant. Dès le 4 janvier 1834, au cours de la discussion de l’adresse, il monta à la tribune. Il avait choisi cette « question d’Orient, » où son récent voyage et son passé de diplomate lui donnaient une compétence particulière. Les journaux de l’époque témoignent du vif sentiment de curiosité qui se manifesta dans l’assemblée. « Plusieurs députés qui se trouvent dans les couloirs et la salle de conférences vont prendre leur place. « Ecoutez ! Ecoutez ! En place ! » Curiosité bien justifiée. Quelle figure ce poète allait-il faire à la tribune ? Les lettres ne l’avaient-elles pas rendu inapte aux affaires ? Quelle ligne de conduite allait adopter le brillant fonctionnaire de la Restauration, passé au nouveau régime, mais avec toute sorte de précautions et de restrictions ? Lamartine commença, — noblement, — par un salut aux orateurs d’hier. « Leur voix éteinte retentit encore à mon esprit, et la mémoire éloquente des de Serres, des Foy, des Lainé, cette mémoire plus vivante sur ce théâtre de leurs luttes est bien propre à inspirer une religieuse terreur à ceux que la voix du pays appelle à parler à leur place, mais non jamais à les remplacer. Pénétré, etc. » Ce geste, je le crains, étonnerait dans le Parlement d’aujourd’hui. Mais il ne suffit pas d’en louer l’élégance : il faut en comprendre toute la signification. Ces paroles courtoises sont une marque de déférence à l’égard des maîtres ; elles sont aussi l’annonce