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maintenant d’être l’homme de la conciliation et de la paix.

La convention est toujours secrète. Schouwaloff, désigné pour représenter la Russie comme premier plénipotentiaire au Congrès, fait, de nouveau, le voyage de Saint-Pétersbourg, voulant recevoir les instructions directes et verbales de l’Empereur. A son retour, il voit le prince de Bismarck. C’est le cabinet de Berlin qui, maintenant, se porte garant, vis-à-vis des puissances, que la Russie déposera le traité de San-Stefano sur la table du Congrès. Bismarck est complètement rétabli et d’excellente humeur. Le 3 juin, il lance les invitations avec la double formule si catégorique et si pénible pour l’amour-propre des Russes : « en vue de discuter les stipulations du traité préliminaire de San-Stefano ; les puissances consentant à admettre la libre discussion de la totalité du contenu du traité de San-Stefano ».

Il faut finir : le double attentat contre l’empereur Guillaume (13 mai, 2 juin) met une inquiétude de plus au cœur des dirigeans. Tout le monde a ses révolutionnaires : on ne peut pas jouer plus longtemps avec le feu.

Quels seront les hommes chargés de représenter les puissances à ce congrès ? D’habitude, c’est affaire aux diplomates. Mais, cette fois-ci, Bismarck préside. Donc, les ministres veulent y figurer. Lord Beaconsfield y cherche l’apothéose de sa brillante carrière : en poussant lord Derby hors du cabinet, il a usurpé ce rôle. Ce n’est pas sans de vives critiques que sa résolution a été accueillie, même dans le parti conservateur.


Au point de vue constitutionnel, c’est un peu despotique ; au point de vue de la tradition, c’est sans précédent, et l’on se demande quel rôle est réservé aux autres membres du cabinet, qui vont rester à Londres. Lord Beaconsfield l’a pris de très haut à la Chambre des lords et il a dit qu’il assumait toute la responsabilité de cette démarche décidée, d’ailleurs, sur la demande de ses collègues[1].


Ces scènes sont de tous les régimes. Voici ce qui se passe, en effet, dans le camp russe, d’après le récit du comte P. Schouwaloff :

  1. Correspondance de Londres, dans Mémorial diplomatique, 1878 (p. 378).