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n’a pas tardé à se répandre qu’il ne resterait pas enfermé dans le cercle étroit des questions financières ou sociales et que, si le gouvernement allemand voulait bien profiter de l’heureuse occasion que lui donnait sa présence, il était tout disposé à causer du désarmement. Si on ne s’était pas encore mis d’accord sur ce grave sujet, c’est évidemment que les diplomates professionnels ne savaient pas s’y prendre, car, en somme, avec de la bonne volonté et surtout de la loyauté, rien n’était plus simple. M. Lloyd George, non content de parler lui-même plus sans doute qu’il ne l’aurait dû, avait un secrétaire qui parlait encore davantage et se prêtait avec une bonne grâce charmante aux interviews qu’on lui demandait, disant donc à qui voulait l’entendre que M. Lloyd George n’avait aucune mission officielle et que dès lors il ne prendrait pas d’initiative, mais qu’il était prêt, et que si on voulait... La presse du monde entier ayant reproduit ces propos, il en est résulté un beau tapage. Les journaux allemands ont été polis et courtois pour M. Lloyd George : cependant ils ont fini par dire, et même un peu rudement, qu’ils étaient seuls juges de savoir ce qui convenait à leur défense maritime, et que c’était là un sujet sur lequel ils n’avaient à prendre conseil de personne. On se souvient qu’il y a quelques mois, l’empereur d’Allemagne ayant écrit une lettre toute personnelle et familière au ministre anglais de la Marine, lord Tweedmouth, pour lui parler des armemens britanniques, la chose s’est sue, et la susceptibilité nationale de l’Angleterre en a été violemment froissée. La situation se trouvait quelque peu retournée. L’attitude de M. Lloyd George n’était peut-être pas tout à fait correcte, et on pouvait craindre que, s’il y persistait, il n’en résultât des inconvéniens. M. Lloyd George aurait pu se rappeler que, quelques jours auparavant, le roi d’Angleterre et l’empereur d’Allemagne s’étaient vus à Cronberg, et qu’ils avaient précisément causé de la question qui le préoccupait lui-même, de manière à lui laisser peu de chose à glaner. Les journaux les mieux renseignés avaient raconté que, de part et d’autre, on était convenu de continuer les constructions navales dont le programme avait été sanctionné par des décisions parlementaires, et qu’ensuite on verrait. Les nouvelles répandues sur l’entreprise pacifiste de M. Lloyd George ont produit encore plus d’émotion en Angleterre qu’en Allemagne : la presse y a annoncé que le gouvernement préparait un projet de loi en vue de constituer par voie d’emprunt une caisse des constructions navales, où l’on verserait deux milliards et demi pour commencer. Enfin il semble bien que M. Lloyd George ait été invité par télégramme à se montrer plus