Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 47.djvu/242

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

commerce, ni au ministre du Commerce de parler de la marine ou des affaires étrangères. Chacun restait dans sa spécialité, et le Président du Conseil seul exposait des vues sur la politique générale. Cela nous semblait sage, prudent, bien ordonné et recommandable. Mais des élémens nouveaux se sont introduits dans le gouvernement anglais, et les mœurs d’autrefois en ont éprouvé quelque altération. Un jeune homme très brillant, fils d’un autre qui ne l’était pas moins, M. Winston Churchill, est devenu ministre du Commerce : il en a profité récemment pour faire connaître, dans un discours public, ses idées sur la politique extérieure, et notamment sur les rapports de l’Angleterre et de l’Allemagne, qui ne sont pas à son avis ce qu’ils devraient être. Il semble résulter du discours de M. Winston Churchill que, s’il en était chargé, les choses iraient mieux. C’est possible, bien que nous n’en croyions rien ; quoi qu’il en soit, l’opinion, en Angleterre, a trouvé un peu déplacées les paroles de M. le ministre du Commerce, car enfin il y a un ministre des Affaires étrangères dans lequel tout le monde a confiance, même les adversaires de son parti, et qui, tout récemment encore, à la veille de la clôture du Parlement, a défini la politique de l’Angleterre à l’égard de l’Allemagne dans des termes qui n’ont pas produit une moins bonne impression à Berlin qu’à Londres. Mais, nous l’avons dit, M. Winston Churchill est jeune : ne doutant de rien, il ne doute pas de lui-même, et il a sans doute quelque dédain pour les procédés surannés de la diplomatie classique.

Ce qui a été encore plus fâcheux, c’est que le même sentiment a paru être partagé par un homme encore plus considérable dans le gouvernement anglais, M. Lloyd George, chancelier de l’Échiquier. M. Lloyd George est le type de l’homme heureux en politique ; il est arrivé aux plus hautes fonctions avec une rapidité surprenante, et tout le monde convient d’ailleurs que sa fortune est justifiée par un mérite sérieux et par un remarquable talent. Il était, il y a quelques mois, ministre du Commerce. Au remaniement du Cabinet qui a suivi la mort de sir H. Campbell Bannermann, il a cédé son portefeuille à M. Winston Churchill pour en prendre un plus important, celui des Finances. Les finances britanniques, aujourd’hui surtout, semblaient devoir absorber toute son activité, mais il n’en a rien été, tant cette activité est grande. Profitant des vacances parlementaires, M. Lloyd George est allé à Berlin pour y étudier la question des retraites ouvrières que les Allemands ont résolue à leur manière. Rien de mieux ; M. Lloyd George était là dans son domaine ; mais le bruit