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de combat dont usa Bismarck envers l’Église, les distinctions subtiles, mi-juridiques, mi-théologiques, derrière lesquelles se retranchèrent les hommes du Culturkampf, avaient été balbutiées, pour la première fois, dans l’audacieux mémoire d’Arnim.

Que l’Église romaine d’après le concile ne fût plus la même que l’Église d’avant le concile : c’est ce que soutiendront, bientôt, les juristes et les députés qui voudront délier les États de leurs traités avec le Saint-Siège. Mais qu’Arnim fût comme l’inventeur et l’instigateur d’une pareille théorie, on avait le droit d’en être surpris. L’évêque Martin, en mars 1870. lui faisait observer qu’à la faculté protestante de Halle, des hommes comme Tholuk, comme Wegscheider, comme Gesenius, considéraient depuis longtemps les catholiques comme infaillibilistes. « Moi aussi, répondait Arnim, j’ai toujours été d’avis que les catholiques avaient déjà cru à l’infaillibilité du Pape. » Martin nota ce propos, et le publia plus tard lorsqu’il vit Arnim agir et parler comme si les catholiques n’y eussent jamais cru.

Mais d’agir sur des évêques, cela ne suffisait pas à l’humeur inquiète d’Arnim : et, de nouveau, dans la seconde quinzaine de juin, d’accord avec Tauffkirchen, ministre de Bavière, il écrivait à Berlin qu’il serait bon pour les diplomates de quitter Rome au moment de la promulgation du dogme, en guise de protestation contre la défaite des évêques opposans et contre l’offense faite par le concile aux gouvernemens. De nouveau Bismarck faisait répondre, le 23 juin, que l’infaillibilité ne regardait pas la Prusse protestante ; qu’un diplomate protestant pouvait, à la différence des diplomates catholiques, ignorer la définition et les solennités religieuses auxquelles elle donnerait lieu ; que l’action de l’Etat prussien ne commencerait que du jour où le dogme aurait un effet dans le domaine du droit public. Mais, le 24, Arnim insistait : la papauté, disait-il, ne provoquera pas immédiatement des représailles législatives de la part de l’Etat, mais elle amassera, en Allemagne, un immense matériel de guerre ; il faut tout de suite agir préventivement, répondre à la lutte par la lutte ; la plupart des évêques attendent ces représailles et seront surpris si elles tardent. Le 1er juillet, Arnim allait jusqu’à citer un évêque, Fœrster, de Breslau, qui les considérerait comme justifiées. On classait à Berlin ces dépêches d’Arnim, sans lui répondre. La première quinzaine de juillet s’écoula : Arnim n’en pouvait plus d’être immobile. —