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pieux, d’un professeur érudit, connaissait les conciles d’autrefois, et venait de préparer, comme consulteur, le concile du lendemain. L’adresse de Berlin, dont on avait donné lecture, un opuscule anonyme transmis par la poste, et qui provenait de l’évêque Dupanloup, la brochure de Brentano qu’apportait Ketteler, survenaient à point pour étayer les conclusions de Hefele ; et l’on n’ignorait pas que Dupanloup faisait à ce moment même un voyage d’Allemagne, afin de prendre contact avec les adversaires de l’opportunité ; il avait, peu de jours avant, à Cologne même, visité l’archevêque Melchers. Hefele fut prié de faire sans retard un rapport détaillé. Au bout de vingt-quatre heures il le présentait. Il y soutenait que la définition n’était réclamée, ni par une nécessité urgente ni par un besoin pratique, et qu’elle choquerait les protestans, les Orientaux, les Allemands cultivés, et les gouvernemens.

Martin de Paderborn, Leonrod d’Eichstätt, Stahl de Wurzbourg, firent observer qu’on avait proclamé l’Immaculée Conception sans qu’il y eût, à proprement parler, nécessité urgente ni besoin pratique ; que l’Allemagne n’était pas tout dans la chrétienté, et qu’en d’autres pays d’innombrables catholiques souhaitaient la définition ; qu’enfin, certains protestans venaient à l’Église pour y trouver un pouvoir fort, et qu’à ceux-là, du moins, l’infaillibilité plairait. Mais la thèse de Hefele demeura victorieuse. Sur 19 votans, évêques ou représentans d’évêques, 13 l’adoptèrent ; et bien qu’ils fussent eux-mêmes, à deux ou trois exceptions près, assez enclins à croire en l’infaillibilité, ils signèrent une lettre contre l’opportunité, rédigée par l’adversaire le plus tenace de la future définition. Hefele signalait, dans cette lettre, l’émotion des prêtres et des laïques ; il faisait craindre, pour le cas où les infaillibilistes triompheraient, l’égarement d’un certain nombre de croyans et l’élargissement du fossé qui séparait de Rome les protestans. « Nous ne pouvons pas dire, déclaraient avec lui ses treize collègues, que la grande crainte de beaucoup de laïques et de clercs soit à mépriser, comme étant sans fondement et sans valeur ; nous devons avouer que nous-même, en tant que considérant l’Allemagne, nous estimons l’époque actuelle moins appropriée pour la définition de l’infaillibilité. » Le 5 septembre, cette lettre prenait la route de Rome. Pie IX en fut mécontent. Le Pape pouvait croire, à distance, que toute l’agitation anti-infaillibiliste était concentrée