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révolutionnaires qu’avait imaginés la théologie gallicane, en vue d’échapper à l’anarchie du Grand Schisme : comme si la papauté n’avait jadis esquivé le joug de certaines aristocraties conciliaires que pour se laisser tyranniser par une démocratie conciliaire ; comme si elle n’avait triomphé d’un parlementarisme oligarchique que pour devenir la captive et l’esclave d’un certain puritanisme.

Ces mystérieux manifestes avaient déjà fait grand bruit, lorsqu’en février 1869 la Civittà Cattolica publia une correspondance de France, où l’on affirmait que la plupart des catholiques français attendaient du concile la proclamation de l’infaillibilité, celle de l’Assomption de la Vierge, et un certain nombre de formules positives, d’affirmations nettes, sur toutes les questions délicates naguère visées par le Syllabus. Il fut établi plus tard que cette correspondance, toute privée, avait été discrètement écrite à l’instigation du nonce, pour être discrètement lue au Vatican, et qu’elle s’était glissée par mégarde dans la Civittà. Votre prétendue mégarde est une tactique, ripostaient les adversaires ; ils avaient autant de peine à croire un Jésuite capable d’une étourderie qu’à croire la chaire de Pierre incapable d’erreur. A coup sûr, pensaient-ils, la Civittà n’avait pu faillir : ce qu’elle avait commis de malencontreux devait être volontaire ; elle avait agité la question de l’infaillibilité pour déchaîner une campagne hostile, qui rendrait inévitable une définition. Il y eut tout un parti de catholiques, qui accusèrent les Jésuites de travailler en agens provocateurs pour le dogme futur... Mais sans mentionner ici les deux volumes gallicans de Maret, dont la préparation était dès lors très avancée, les brochures mêmes dans lesquelles l’école de Munich jetait à Rome un premier défi n’étaient-elles pas antérieures à cette correspondance tant incriminée ? Aussi bien, à Munich comme à Paris, les anti-infaillibilistes avaient déjà braqué leurs pièces, avant que l’article de la Civittà ne rendît leur tir plus précis et plus nourri.

L’émotion fut grande à Munich. Du 10 au 15 mars 1869, la Gazette universelle d’Augsbourg publia contre l’omnipotence papale une série d’articles anonymes, dont l’auteur concluait que l’année 449 s’était tristement illustrée par un concile connu sous le nom de concile des brigands et que l’année 1869 serait marquée par le synode des flatteurs. D’aucuns attribuaient à l’historien Gregorovius cette prose virulente, d’autres au prêtre