amie, je vous recommande sur toute chose le soin de votre santé.
Votre ami pour la vie,
J.-J. Rousseau.
Mlle Le Vasseur prie la bonne mère et les charmantes filles d’agréer ses salutations et respects.
A Grenoble, le 22 juillet 1768.
Ma tête et mon cœur affectés et malades depuis notre dernière séparation m’ont bien fait sentir, chère amie, le besoin de vivre auprès de vous, et votre lettre, qui m’a fait grand bien, n’a fait qu’irriter le désir d’aller chercher le remède à sa source. Jugez avec quelle joie j’apprends, premièrement que tout va bien, vous, la bonne maman, le cher mari, la petite cousine, les frères et sœurs, et puis que vous vous occupez de l’habitation de votre cousin, qui certainement ne sera jamais heureux, guéri, content, qu’auprès de vous et des vôtres, ou, pour mieux dire, des nôtres, qui ne sont guères moins tout pour moi que pour vous. Depuis mon départ, j’ai fait et dit eu route beaucoup de sottises ; ma tête va toujours mal quand mon cœur ne s’épanche plus, et je ne suis sage que sous vos yeux ; si j’ajoutais qu’il est heureux de recouvrer la raison où l’on risquerait de la perdre, cela serait d’un vieux fou ou d’un jeune galantin, et ma belle cousine n’aime pas mieux les uns que les autres.
Depuis mon arrivée ici, j’ai vu quelques habitations près de cette ville ; une entre autres qui me paraît rassembler toutes les convenances hors une ; mais cette une qui ne se peut suppléer suppléerait seule à la plupart des autres, et s’il dépendait de moi, je ne balancerais pas un instant. Vous connaissez mon état et mes chaînes ; je dépends d’un consentement que j’ai demandé : si je l’obtiens, j’irai couler sur les bords du Rhône des jours que l’amitié me rendra bien doux. En attendant, je serai charmé que vous appreniez le chemin de cet asile. Faites-y quelque promenade à mon intention, marquez-moi ce que vous en pensez. Vos détails, vos bienfaisans projets nourriront mon espérance, et me distrairont sur le si dont dépend leur exécution.