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procédés révolutionnaires en vue de produire la catastrophe finale, à la fois par surprise et par choc. Mais tout cela ne saurait être improvisé, et la Confédération savait bien, en envoyant ses troupes, ou une partie de ses troupes, à Villeneuve-Saint-Georges, qu’elle ne remporterait pas du premier coup la victoire décisive. Aussi se proposait-elle seulement d’entraîner ces troupes, de les aguerrir, de leur donner le baptême du feu, enfin de les mettre et de les tenir en haleine en vue de combats prochains et plus sérieux. Elle comptait pour cela sur la faiblesse dont le gouvernement avait déjà donné tant de preuves. Ces espérances de la Confédération ont été en partie déçues, mais en partie seulement. La troupe s’est parfaitement conduite, avec énergie, bien qu’avec humanité ; mais, le lendemain, le gouvernement a paru un peu embarrassé de sa victoire, et il ne l’a pas poussée jusqu’à ses conséquences normales et légitimes.

Il aurait fallu dissoudre la Confédération générale du Travail. L’opinion presque tout entière le réclamait ; les journaux radicaux-socialistes les plus avancés condamnaient avec sévérité, flétrissaient même l’émeute de Villeneuve-Saint-Georges, dans son inspiration première et dans son exécution ; tous rendaient la Confédération générale responsable d’un événement dont la réaction seule, disaient-ils, devait profiter. Il y avait de leur part un réel mouvement d’indignation. Nous n’avons pas besoin de dire quel langage tenaient les journaux progressistes : ce ne sont pas eux que le gouvernement écoute de préférence. Il n’a d’ailleurs écouté ni les uns ni les autres, et s’est contenté d’arrêter les principaux meneurs de la Confédération générale du Travail, mesure excellente, mais insuffisante. Quant à la Confédération elle-même, il l’a respectée. Ce respect était-il seulement juridique ? Les communications faites à la presse donnent à le croire : on y lit que la Confédération générale est organisée légalement, en parfaite conformité avec la loi de 1884, et que dès lors elle n’offre aucune prise. Ses membres peuvent commettre des délits individuels, et ils doivent être poursuivis à ce titre individuellement ; mais la Confédération, elle échappe à toute répression. C’est une doctrine singulière : il en résulte qu’il suffit à une association d’être organisée légalement pour qu’elle ne puisse commettre aucune illégalité. Prenons pourtant l’exemple de M. Griffuelhes : est-ce comme homme privé, est-ce comme simple citoyen, qu’il a convoqué des milliers d’ouvriers à Villeneuve-Saint-Georges ? Il n’en aurait réuni que quelques dizaines s’il avait parlé comme tel ; mais il a parlé, c’est-à-dire ordonné au nom de la Confédération