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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




L’importance de la révolution ottomane nous a empêché, il y a quinze jours, de parler des événemens non moins intéressans, et à quelques égards non moins sérieux, qui s’étaient déjà produits chez nous. Nous sommes en pleine crise économique et politique, conséquence naturelle, logique, inévitable, des faiblesses et des fautes que nos gouvernans ont accumulées depuis une dizaine d’années. Les partisans de la guerre de classes ont quelques raisons d’être satisfaits, car cette guerre existe : elle s’est manifestée par des combats meurtriers, et par des interruptions de travail qui lèsent un très grand nombre d’intérêts. Combien de temps cette situation anormale et brutale durera-t-elle encore ? Tout le monde en souffre, tout le monde aurait intérêt à en voir la fin, mais que fait-on pour y aider ? Le gouvernement, héritier d’un passé qu’il a encore aggravé par ses défaillances personnelles, hésite, tâtonne, s’embrouille. Quant aux ouvriers, ou plutôt à ceux qui les mènent, rien ne les arrête ; ils continuent d’aller de l’avant avec une froide ténacité ; les coups qu’on leur porte atteignent, bien mollement d’ailleurs, quelques personnes qui sont aussitôt remplacées par d’autres ; mais les organisations de ce combat restent les mêmes, toujours aussi actives et aussi menaçantes, et la Confédération générale du Travail continue son œuvre de révolution. De l’autre côté, les forces défensives diminuent, et si le présent fait naître beaucoup d’inquiétudes, l’avenir en inspire de plus nombreuses encore.

Nous sommes déjà loin, puisqu’elle a éclaté il y a un mois, de la grève qui a interrompu sur la Seine la circulation des bateaux-mouches et changé la physionomie de cette partie de Paris. Aussi, nous contenterons-nous d’en faire mention, nous réservant de tirer plus tard les leçons qui en ressortent. Cette grève, en effet, n’est qu’un incident secondaire à côté de tous ceux qui se sont rapidement succédé.