vie de Jésus, et, à un degré moindre, celle de saint François, comme des manifestations d’ordre surnaturel, tandis que la seconde, que l’on aurait envie d’appeler l’opinion « voltairienne, » ne voyait dans le Christ et dans son glorieux imitateur ombrien que des hommes de l’espèce la plus ordinaire, ou même, parfois, s’amusait à les tenir pour des types d’humanité inférieurs et « dégénérés, » avec de misérables âmes malades où l’imposture consciente se mêlait, plus ou moins, d’hallucination. Et pendant que les écrivains catholiques, soit qu’ils eussent à traiter de la vie du Christ ou de celle de saint François, s’attachaient surtout à en faire ressortir l’élément miraculeux, leurs adversaires ne se lassaient point de rabaisser ou de ridiculiser la conduite du soi-disant Dieu et du prétendu saint, récusant d’emblée aussi bien le récit des prodiges qui leur étaient attribués que tous les témoignages qui leur prêtaient la moindre supériorité, intellectuelle ou morale. De telle sorte que, pour apprécier la valeur et le rôle de ces deux grandes figures de l’histoire chrétienne, le public n’avait le choix qu’entre l’adoration et le mépris, à moins encore d’adopter simplement le parti de la négation : car il ne manquait pas, non plus, de savans professeurs pour affirmer que l’existence du Christ n’était rien qu’un « mythe, » et que, de la même façon, toutes les « légendes » anciennes de saint François n’offraient qu’un tissu de fables, suggérées à quelques pieux moines par le désir d’incarner, dans la personne d’un homme de leur temps, leur notion du pur idéal évangélique.
C’est dans ces conditions que Renan, aux environs de 1850, avait formé le projet de substituer une troisième hypothèse aux deux opinions susdites sur la vie de Jésus, ou, plus exactement, de mettre au service de la seconde d’entre elles une méthode et des procédés qui eussent de quoi la rendre, tout ensemble, moins violente en apparence et, au fond, plus forte. Comprenant la faute commise par ses prédécesseurs, qui tâchaient vainement à déprécier la figure humaine du Christ, il avait résolu, au contraire, de la rehausser et de l’embellir, mais uniquement afin de la mieux dépouiller de tout caractère divin ; après quoi il s’était ingénié à séparer cette figure de celles des disciples et successeurs de Jésus, enlevant ainsi toute portée et toute action effectives à la doctrine du noble et délicieux « rêveur » galiléen. Et bien que M. Sabatier, quarante ans plus tard, ait apporté à son étude de la figure de saint François une ardeur de sympathie évidemment plus sincère, je ne puis m’empêcher de penser que, peut-être sans le vouloir, il s’est laissé séduire par l’exemple de son illustre