Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 46.djvu/934

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

quelque sorte de l’analyser. Et même s’il en faut croire certaine déclaration consignée en son premier volume et rappelée dans le second, il ne s’est permis d’analyser la musique de Berlioz, que parce qu’elle n’est pas de la pure musique. Celle-ci, « on la joue entre artistes et pour soi, à la rigueur on la commente, la partition en mains ou au piano ; autrement on se tait. Elle est la musique, elle parle sa langue et elle la parle avec le génie des maîtres : cette musique, il n’y a qu’à l’écouter.

« Mais la musique de Berlioz, le plus souvent, est tout autre. Elle contient beaucoup de littérature, de psychologie, de drame, et elle est une évocation pittoresque. Or tout cela est aussi du domaine du verbe. Ce que cette musique suggère avec des sons, on peut essayer, tout au moins, d’en rendre compte avec des mots[1]. »

Aujourd’hui encore, nous renvoyant à ses avis, à ses avertissemens d’hier, l’auteur, à peu près dans les mêmes termes et parlant d’Harold, nous dit : « Dans cette analyse de musique comme dans les autres, je m’efforce uniquement de compléter le portrait de Berlioz. D’après l’ensemble des documens, j’essaie de montrer, dans sa musique, Berlioz même. Et en effet elle le reflète. Cette analyse est exacte, méticuleuse, mais non technique. »

Pour un peu, M. Boschot penserait comme M. Jules Lemaître, lequel disait un jour à certain critique musical de ses amis, et des nôtres : « La critique musicale m’a toujours paru l’une des inventions les plus folles de l’humanité civilisée. » Peut-être. Tâchons alors que ce soit une belle folie, ingénieuse du moins, avec des intervalles lucides. En tout cas, il semble bien que M. Boschot se défie et se défende trop. L’historien calomnie en lui le critique. Celui-ci plus d’une fois, dans ce volume comme dans le précédent, parle excellemment de musique, et rien que de musique. Entre les sons et les mots, il sait, — et c’est là le meilleur de notre art, — découvrir les rapports et les correspondances. Je reconnais avec lui que la musique de Berlioz offre pour cette découverte des facilités particulières. « Il (Berlioz) ne conçoit pas la musique sans la mêler à un drame ou la situer dans un décor pittoresque ; une symphonie, pour Berlioz, est le reflet mélodique des émotions d’un personnage, et celui-ci presque toujours est Berlioz même. » Si nous citons ces lignes, où M. Boschot définit une fois de plus un des aspects, et non le moindre, du génie de Berlioz, on nous répondra peut-être, — et l’auteur tout le premier

  1. La Jeunesse d’un romantique, p. 400 et 401 (noté).