Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 46.djvu/929

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

fut compris ! Il fut aimé ! ! aimé ! ! ! poète !… ; libre !… riche !… Il a été tout cela, lui… Et le confessionnal retentissait d’un grincement de dents à faire frémir les damnés. »

Parfois, plus loin que Tivoli, que Subiaco même, jusqu’à Naples, il va chercher l’excitation que Rome lui refuse. Mai-) il ne l’en rapporte pas. Aussitôt revenu dans cette « éternelle ville, » il se sent de nouveau « l’esprit obtus, l’imagination morte, le cœur serré. » Son biographe a bien compris son mal. « Il souffre de l’Italie, il souffre de la beauté romaine, forte, placide, bien et solidement équilibrée. Autour de lui, la vue constante, inévitable, de cette réalité puissante et saine, irrite et crispe son âme romantique. » C’est que le romantisme en effet, — Brunetière, je crois, l’a dit un jour, — n’est pas seulement, par un de ses côtés ou de ses élémens, la littérature du Nord, il en est l’esprit aussi, le génie et l’apparence, et l’extérieur même. Que si peut-être, et par exception, le romantisme est le Midi, il sera moins l’Italie que la gothique, la mauresque Espagne, et surtout il ne sera presque jamais Rome. De là vient le malaise, la souffrance de Berlioz en terre latine. Avec cela pourtant, ou malgré cela, n’oublions pas que le fougueux et moderne musicien de la Symphonie fantastique, de Lelio et d’Harold, se fera sur le tard le maître apaisé, presque antique, des Troyens. Il y aura là comme un retour, une régression vers l’idéal Massique, une sorte de contradiction, ou tout au moins de paradoxe rétrospectif, et, dans son dernier volume, l’historien du grand romantique ne devra pas manquer de le reconnaître et de nous l’expliquer.

Le 7 novembre 1832, revenant enfin d’« exil, » Berlioz rentre à Paris. Il a vingt-neuf ans, et durant dix années, presque jour par jour, on peut suivre avec son biographe le double et tumultueux courant de son génie et de son destin.

Que rapporte-t-il de cette Rome incomprise ou méconnue ? Lui-même, lui toujours et rien que lui, héros d’une œuvre qu’il nous donne comme la suite et la fin de la Symphonie fantastique, nouvel Épisode de la vie d’un artiste, de l’artiste qu’il était et surtout qu’il voulait paraître. C’est le Retour à la vie, ou Lelio, « mélologue, » récit musical de la propre résurrection de l’« Artiste, » après son prétendu suicide à Gênes et sa rentrée, un peu sotte, à la Villa Médicis. Pour faire la partition plus dramatique, ou plus mélodramatique encore, Berlioz y remplace le programme, dont il avait usé dans la Fantastique, par une partie, par un rôle déclamé. Quel rôle et quelle déclaration ! L’un et l’autre serait insoutenable aujourd’hui. Mais, tout