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peut-être n’est moins divisible que celui-là. Nul ne forme davantage, non pas un bloc, — il était trop mobile et trop agité, — mais un tout. Autant, chez un Mozart, à l’antipode du monde sonore, la musique est séparable de la destinée, autant, chez un Berlioz, elle y est étroitement unie. Et cette fusion forme le trait essentiel du romantisme en général ; c’est à celui-là qu’on peut reconnaître, dans l’auteur de la Symphonie Fantastique, du Retour à la vie et d’Harold, l’exemplaire ou plutôt le type achevé du romantique musicien.

Romantique, Berlioz assurément l’est sous d’autres aspects, et naguère, à l’occasion du premier volume de M. Boschot, nous les avons considérés. Un signe nouveau de ce caractère paraît ici dans les premières pages, consacrées par l’auteur au séjour du lauréat de l’Institut à la Villa Médicis : c’est l’antipathie que Berlioz jeune éprouva pour Rome. Véritablement il n’y a rien ou presque rien compris. Indifférent, lui, le musicien pittoresque par excellence, aux arts plastiques, dont il ne parle jamais, il est hostile à la religion, dont les cérémonies l’irritent. La nature, il est vrai, l’enchante ; il goûte fort la beauté de Tivoli, de Subiaco surtout, qu’il visita souvent et toujours avec délices. Mais la ville même l’ennuie ; que dis-je, elle le dégoûte. Il la traite volontiers de « stagnante » et de « stupide. » Il se plaint, non seulement d’y « souffrir, » mais d’y « pourrir. » Il n’y voit, au lieu de l’antiquité, que la vétusté, la vieillerie et la décrépitude. En vérité, ce romantique échevelé, ce « Jeune France, » ou ce « fashionable, » et ce grand artiste déjà, adresse à Rome des reproches, il lui cherche des querelles de bourgeois ou de philistin. Le « Coquelet » de Veuillot semble parler par sa voix. « Les cafés sont sales, obscurs, mal servis, sans journaux… Ici tout est de cent cinquante ans en arrière de la civilisation. » Et, pour terminer, cet étrange souhait, que tout l’amour d’Henriette Smithson ne suffirait pas à justifier : « Oh ! si ce pays était peuplé d’Anglais, quel changement ! »

Quant à la Villa Médicis, il n’a pas assez d’anathèmes pour cette « caserne académique » et ceux qui l’habitent avec lui. À peine cède-t-il un soir, dans les jardins, à la magie du clair de lune, tandis qu’il chante, en s’accompagnant sur la mandoline, un air d’Iphigénie, Et Saint-Pierre, sait-on comme il le comprend, comment, allais-je dire, il en use et quelles impressions il y cherche par les chaudes après-midi d’été ? Commodément installé dans un confessionnal, il y déclame le Corsaire de Byron, il y évêque la Guiccioli, que lui-même il a rencontrée l’autre soir chez M. Vernet : « Femme admirable !… Il