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un drainage d’or s’organisa qui eut pour effet d’amener à New-York, en peu de semaines, environ cent millions de dollars, soit un demi-milliard de francs d’or. Ce numéraire était attiré de tous les points du monde non seulement par les taux d’intérêt excessifs qui régnaient aux États-Unis, mais par la prime sur les espèces que les banques payaient et qui dépassa un moment 4 pour 100. Celles-ci étaient prêtes à n’importe quel sacrifice pour assurer la marche normale de leurs affaires, pour maintenir ou restaurer la confiance du public. Les retraits atteignirent des totaux qu’on n’avait pas connus jusque-là. La Trust Company of America, sur 60 millions de dollars de dépôts, en remboursa plus de la moitié, soit environ 160 millions de francs, en moins de quinze jours. D’autres sociétés, après avoir remboursé des sommes énormes, durent fermer temporairement leurs-guichets, en dépit de l’aide que le syndicat des grands financiers, présidé par Pierpont Morgan, ne cessa pendant la période critique de donner à tous ceux dont le crédit était ébranlé, en dépit des sommes colossales que M. Cortelyou, secrétaire du Trésor, remit aux banques à titre de dépôt, de façon à augmenter le plus possible leurs ressources liquides.

Tous ces efforts ne suffisaient pas encore. En présence de 14 milliards de dollars de dépôts répartis entre 30 000 établissemens de diverses sortes, 3 milliards[1] de billets et d’espèces paraissaient une réserve trop faible, du moment où les demandes des cliens étaient motivées non par leurs besoins normaux, bien inférieurs en réalité à cet approvisionnement d’instrumens de paiement, mais par une méfiance contagieuse, dont les effets semblaient chaque jour s’étendre à des couches plus profondes de la population. Les banques eurent alors recours à un expédient qu’elles avaient déjà employé avec succès lors des crises précédentes : elles créèrent des certificats de chambres de compensation (clearing house certificates), destinés à leur permettre de régler entre elles, dans chaque ville, les soldes qu’elles se devaient les unes aux autres. Ces certificats émanent des chambres de compensation auxquelles, dans presque toutes les grandes villes, les banques sont affiliées et par l’intermédiaire desquelles elles règlent quotidiennement les soldes créditeurs ou débiteurs qui résultent de la présentation réciproque qu’elles

  1. D’après le dernier rapport du contrôleur de la circulation, le total de la monnaie aux États-Unis s’élevait au 30 juin 1907 à 3 115 millions de dollars.