Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 46.djvu/904

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

une communauté où chacun peut payer pour ainsi dire la totalité de ce qu’il doit au moyen de chèques, personne en temps ordinaire ne se soucie de détenir des pièces de métal ni même des billets de banque ; mais à condition que tout l’édifice des établissemens de crédit inspire la plus absolue confiance et que nul ne mette en doute un seul instant leur parfaite solvabilité. Qu’une seule des sociétés qui font partie de l’immense organisation vienne à être ébranlée, et la panique se répand : les déposans se demandent immédiatement si les banques ont les ressources nécessaires pour leur rembourser, le cas échéant, ce qui leur est dû, et, dans la crainte qu’il puisse ne pas en être ainsi, se hâtent de retirer leur avoir : ils exigent alors des espèces métalliques ou tout au moins des billets. La quantité des premières est limitée, et celle des seconds ne peut être accrue aux États-Unis que dans des proportions très faibles : c’est le résultat de la loi qui régit les banques dites nationales, seules autorisées à créer de la monnaie fiduciaire, en dehors du Trésor fédéral, dont les émissions sont depuis trente ans limitées à 346 millions de dollars de billets d’Etat appelés greenbacks. Les autres certificats émis par lui ne sont que des récépissés de dépôt de dollars d’or ou d’argent et ne rendent d’autre service que celui de circuler plus aisément que les disques métalliques : ils n’augmentent pas d’un dollar la somme des instrumens monétaires disponibles. Quant aux banques nationales, elles ne peuvent émettre de billets que contre dépôt, entre les mains du contrôleur de la circulation à Washington, d’une quantité d’obligations fédérales égale à celle de leur propre création de papier, sans d’ailleurs que ce dernier chiffre puisse jamais dépasser celui de leur capital. Le maximum de ces billets qui ait jusqu’ici jamais été entre les mains du public a été de 696 millions de dollars le 18 janvier 1908, ce qui représentait une augmentation de 90 millions sur le chiffre d’octobre 1907 et de 440 millions sur celui de 1900.

En dépit de cet accroissement, il s’est trouvé, au moment de la panique de l’année dernière[1], que les demandes de remboursement de dépôts ont dépassé les quantités de métal et de billets que les établissemens dépositaires pouvaient offrir à leur clientèle affolée. Les taux du loyer de l’argent s’élevèrent dans une proportion telle que, de tous les grands centres monétaires,

  1. Voyez dans la Revue du 15 décembre 1907 notre article sur La Crise économique de 1907 et les États-Unis d’Amérique.