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des Chambres de compensation (clearing house certificates). Ce papier a déjà été employé à diverses reprises, mais jamais encore il ne l’avait été sur une aussi grande échelle qu’en 1907. La création de ces certificats a marqué le point aigu de la tourmente, qu’elle a en même temps aidé à conjurer. Elle constitue une des particularités les plus intéressantes de l’histoire financière moderne ; nous allons essayer de la bien mettre en lumière, d’abord parce qu’elle est peu ou mal connue chez nous, ensuite parce qu’il y a peut-être, dans cette idée de la transformation temporaire en monnaie d’une partie de l’énorme stock des valeurs mobilières qui jouent un rôle si considérable dans la vie économique contemporaine, le germe d’un remède au mal chronique dont souffrent la finance et l’industrie.

Avant d’exposer les circonstances dans lesquelles les banques américaines ont eu recours à l’émission de ces certificats, il est utile de considérer les conditions dans lesquelles fonctionnent les marchés financiers contemporains ; nous rappellerons ensuite l’organisation des banques américaines ; après quoi, il nous restera à exposer comment, lors de chaque crise depuis 1860 jusqu’en 1907, un papier monnaie supplémentaire, dont nos explications précédentes auront montré la genèse, est venu apporter un soulagement appréciable à la difficulté des transactions et enrayer la panique qui provoquait elle-même cette création.


I

Le monde moderne n’a pas inventé, ni créé le capital, qui a existé le jour où l’homme est apparu sur la terre. L’homme lui-même, avec ses bras et son cerveau, constitue le premier et le plus précieux des capitaux ; il ne tarde pas à prendre possession d’un certain nombre d’objets, meubles et immeubles, à transformer la matière, à se servir des élémens qui s’offrent à lui pour en tirer une force créatrice ou les appliquer directement à la satisfaction de ses besoins et de ses désirs : autant de richesses, autant de capitaux. La conception moderne n’est pas, dans son essence, différente de celle des temps primitifs : c’est toujours la terre, le sol et le sous-sol, puis les installations industrielles, qui constituent la fortune des particuliers et des Etats. Les troupeaux d’Abraham, les récoltes des Pharaons, les mines d’argent