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nos chevaux qui sont excellens, surtout mon premier cheval gris que je monte presque toujours.

Remercie M. Bianco de la réception qu’il nous a ainsi ménagée partout. Son agent ici est à Rama, mais il avait envoyé nous offrir un logement.

Ecris, écris, écris donc et par exprès.

Je me tue à deviner comment huit lettres au moins de toi doivent être ou perdues ou en retard, et quelquefois je crains que tu n’aies pas écrit par d’autres motifs. Cependant tu m’avais promis un exprès s’il y avait quelque chose d’inquiétant. On espère une barque de Beyrouth ici ce soir. J’espère donc encore une lettre demain à Rama.

Adieu, adieu, adieu comme je t’aime.


Au couvent de Saint-Jean-Baptiste,

19 octobre 1832[1].

Hier, ma chère Marianne, nous avons reçu seulement ta première lettre datée du 3 et celles qui y étaient jointes. Nous étions sous les murs de Jérusalem que nous venions de visiter. Ta lettre me fait plaisir et peine, car je ne suis pas suffisamment content de ce que tu me dis du pouls de Julia les premiers jours après mon départ. J’espère mieux demain ou après-demain. Mais vois ce que c’est qu’une poste qui me remet le 18 une lettre du 3 !

Voici où nous en sommes. La peste régnant encore légèrement à Jérusalem, quoique seulement dans le couvent grec et non chez aucun chrétien ni Turc de la ville, nous avons jugé pour vous plus que pour nous plus sage de ne pas y aller. Heureusement nous avons trouvé, dans ce couvent-ci, d’excellens religieux et un bon et joli asile, à une heure et demie de Jérusalem. Nous y avons établi notre résidence. L’endroit est sous quarantaine, ne communiquant pas et fermé, excepté pour nous. Nous avons donc été dès hier visiter tous les environs de Jérusalem, les Oliviers, Josaphat, le Cédron, Sion, Getsemani, le Tombeau de la Sainte Vierge, etc., et tout le tour des murs de la ville, sans entrer ni toucher personne.

Notre journée a été intéressante et pleine. Tout cela est au-dessus de la description. Nous planions du haut de la montagne des Oliviers sur la ville et le temple, beaucoup mieux que si nous y avions été en effet. Pas une pierre ne nous échappait.

Nous sommes rentrés le soir pour dîner ici au couvent. Aujourd’hui nous écrivons et nous allons au désert de Saint-Jean. Demain, nous allons camper le matin autour de Jérusalem, avec les mêmes précautions, soldats du gouverneur, cavalier arabe d’Aboughos dont lady Stanhope nous a fait un ami par un cadeau de cinq bourses qu’elle lui a fait délicatement en mon nom et par des rapports que je te dirai. Nous irons le soir camper et coucher à Saint-Sabba, vallée qui mène à la mer Morte. Dimanche, à la mer Morte et au Jourdain. Lundi, à Jéricho et coucher près de Jérusalem. Mardi ici. Mercredi à Hébron. Jeudi, à Hébron. Vendredi ici. Là nous trouverons de tes nouvelles qui décideront entre deux projets : le premier de revenir directement en huit jours à Beyrouth par Naplouse et la Samarie ; le second

  1. A Mme de Lamartine, à Beyrouth.