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Adieu. Je n’ai qu’un moment pour remettre ceci à M. Malagamba qui est venu le chercher au couvent. Mille tendres baisers à toi et à Julia. Il me tarde bien de recevoir un mot de vous, disant comment vous êtes. Mille et mille adieux et tendresses encore. Mes amitiés à Capmas.

Écris-moi souvent à Jaffa et dis-moi bien franchement comment vous êtes.


Jaffa, 15 octobre, lundi.

Mon cher amour. Nous sommes arrivés hier à Jaffa en bonne santé et toujours contens de notre caravane. On est venu à trois distances consécutives au-devant de nous et on nous avait préparé une maison. MM. Damiani père et fils, agens de France, nous comblent de politesses. Remerciez-en M. Jorelle. Nous repartons aujourd’hui à deux heures pour Rama, où nous trouverons le Père supérieur de Jérusalem, qui nous donnera des nouvelles de la peste et dirigera notre marche. Les nouvelles ici sont que depuis huit jours il n’y a pas eu de nouveaux accidens de peste à Jérusalem et qu’elle a été confinée dans le couvent grec. Voici ce que je compte faire. Nous irons prendre quartier général soit au couvent Saint-Jean-Baptiste, à deux heures de Jérusalem, soit sur une colline en vue de Jérusalem, sous nos tentes. Nous emmenons d’ici quatre cavaliers égyptiens du gouverneur pour surveiller nos propres gens et empêcher qu’ils ne communiquent ni en route ni aux environs de Jérusalem. Nous verrons là si la peste est réelle et alors nous n’entrerons pas nous-mêmes, nous contentant de voir du dehors la grande scène, Jérusalem, Bethléem, la mer Morte, etc. Et nous reviendrons, après cinq ou six jours passés ainsi ; ou bien, si la peste a cessé, nous nous permettrons d’entrer un jour ou deux au Couvent neuf et d’aller, avec une escorte qui fera vider les sanctuaires, les visiter rapidement. Pour moi, l’aspect extérieur de Jérusalem et des environs suffit à l’objet de mon voyage. Le reste est dévotion au Lieu Saint qui peut se satisfaire de loin comme de près.

Mais, hélas ! ce qui me tourmente jour et nuit, ce n’est pas cela ! C’est de n’avoir pas encore reçu un mot de vos nouvelles en quatorze jours. Qu’est-ce que cela veut dire ? J’espère que peut-être il y en a à Jérusalem, envoyées par exprès qui nous aura devancé. J’ai donné ordre partout et ici surtout qu’on m’envoyât un messager dès qu’il y aura une lettre à mon adresse. Selon donc les nouvelles que je recevrai de toi d’ici à dix ou douze jours où je serai revenu à Jaffa, je reviendrai vite à Beyrouth ou je continuerai pour l’Egypte. Mais dis-moi bien la vérité et ce que je dois raisonnablement faire. L’Egypte m’intéresse cent fois moins que la Judée, ce ne sera pas même un sacrifice de ma part que d’y renoncer. Je n’y tiens pas le moins du monde, mais à vous revoir ou à vous savoir au moins parfaitement bien.

Fais envoyer une lettre définitive ici par exprès pour ce qui concerne l’Egypte. Qu’elle soit ici au moins le 27, au plus tard ; et souviens-toi que l’Egypte ne me fait rien du tout. Ce n’est qu’occasion. Le voyage jusqu’ici n’est pas trop pénible. Tout le monde se comporte à merveille, y compris