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12 novembre, Milly[1].

J’ai reçu votre arrêt, mon cher ami : en conséquence, tenez l’ode pour non avenue et brûlez-la sans pitié. Je ne voudrais pas qu’elle parût ainsi. Ce que j’en apprends de quelques amis royalistes me fait arrêter définitivement la même chose. Dans quelques jours j’essaierai d’y faire quelques corrections dans les deux sens. D’abord, il faut absolument ôter : « Trois Rois pour une trahison, » et mettre : « Trois couronnes dans ton limon[2] ! » Ensuite, au lieu de : « L’indigne fuite de mes Rois, » il faut de nécessité pour moi : « L’exil de l’orphelin des rois ; » puis au lieu de : « Juste colère, » mettre : « Libre colère. »

Voici pour vous maintenant l’idée de deux strophes que j’ajouterais après la 19e : Et les siècles battront des mains.


Peuple, diront-ils, ouvre une ère
Que dans ses rêves seuls l’humanité tenta !
Proscris des codes de la terre
La mort que le crime inventa !
Remplis de ta vertu l’histoire qui la nie !
Que du jour où ta voix confond la calomnie,
Nul œil humain n’ait à pleurer !
Jette à tes ennemis des lois plus magnanimes !
Ou, si tu veux punir, inflige à tes victimes
Le supplice de t’admirer.

Quitte enfin la sanglante ornière
Où se traîne le char des Révolutions !
Que ta halte soit la dernière
Dans ce désert des nations !
Tente un sentier nouveau pour la route des âges !
L’avenir en cherchant ta date dans ses pages,
Dira sous ta gloire abattu :
Pour confondre le crime et venger la Justice,
Les rois ont inventé les lois et le supplice,
Le peuple inventa la vertu[3].


Je la copierai encore une fois tout entière avec les corrections indiquées. Vous la relirez et la ferez relire, et si alors on revient sur le compte de ce morceau, nous imprimerons. Mais n’imprimez rien tel que vous

  1. A M. Aimé Martin, rue des Petits-Augustins, n° 15, faubourg Saint-Germain, à Paris. — (Communiquée par Mme la baronne de Noirmont.)
  2. Cette variante, la sixième ! a été définitivement adoptée.
  3. Les six derniers vers de cette strophe ont été modifiés de la façon suivante :

    Que le genre humain dise en bénissant tes pages :
    C’est ici que la France a de ses lois sauvages
    Ferma le livre ensanglanté ;
    C’est ici qu’un grand peuple au jour de la justice
    Dans la balance humaine, au lieu d’un vil supplice,
    Jeta sa magnanimité