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dévouement en restant avec eux, où ils l’auraient employé utilement ; mais qu’ils concevaient mon scrupule et étaient satisfaits de la manière et de l’expression dont je m’étais servi pour la leur manifester ; qu’ainsi le ministre prendrait ma démission en ce sens et comme je la donnais.

Le Roi a ajouté : « Je sais bien que M. de Lamartine et moi nous n’avons pas été toujours amis, mais je suis bien aise de savoir qu’il comprend la vérité de ma situation et du moment, et se ralliera comme citoyen à mon gouvernement. »

Mademoiselle a ajouté : « Dites à M. de Lamartine que s’il désire nous voir dans quelques jours, nous le recevrons avec grand plaisir. »

Ce soir j’écris à M. Molé et le verrai encore demain. Il a fait de son côté ma même commission. Adieu.


17 septembre 1830[1].

Ma chère Marianne, tout va assez bien. J’ai donné hier ma démission, mais de la manière la plus loyale et la plus honnête, après avoir pris les ordres du Roi, expliqué mes motifs, répondu de nouveau aux objections et je reste même quatre jours, je crois, de plus pour les voir avant de partir afin de m’expliquer moi-même : ils ont été assez bons pour me le faire offrir. J’ai écrit une lettre pour être mise seulement sous les yeux de Sa Majesté, qui est mieux encore que l’autre…

Alain[2]notre médecin est à la mort. Je le vois tous les jours. Quelle agonie ! et quelle céleste patience il puise dans sa piété !

Il n’y aura pas de guerre et les dispositions de l’esprit public sont très anti-anarchiques. Ces Clubs font peur à tout le monde, excepté à une poignée de jeunes écervelés et de vieux révolutionnaires qui les composent. Cela tombera tout seul ou on les fermera quand ils auront plus de tort encore.

Je verrai Mademoiselle et le Roi avant de partir, ce qui pourra bien me remettre au 26.


20 septembre 1830[3].

J’ai dîné hier chez M. Molé.

Le Roi, m’a-t-il dit, m’a chargé de vous exprimer sa pleine satisfaction de votre conduite et de vos procédés. Voici comment la chose s’est passée. Je lui ai mis sous les yeux votre lettre sur sa table au Conseil ; il l’a lue et, après l’avoir lue, il s’est adressé aux ministres assemblés et leur a dit : « Voici une démission, mais donnée enfin d’une manière loyale, honorable et délicate. Permettez-moi de vous la lire. » Et il l’a lue au Conseil qui a été du même avis. Puis le Roi a ajouté : « Je voudrais l’envoyer à M. de Chateaubriand pour lui montrer comment on doit donner une démission. » Ensuite, il l’a fait passer à son fils le duc d’Orléans.

La politique se raffermit depuis quelques jours. Les Clubs sont

  1. A Mme de Lamartine, née Birch, à Mâcon.
  2. Le médecin de Lamartine, à Paris, celui-là même dont nous avons publié les lettres sur la maladie et la mort de Mme Charles.
  3. A Mme de Lamartine Alphonse, à Mâcon.