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universel, fait appel à la piété et à la charité de ses membres, elle prenne soin, alors, de dissimuler, sous la signature d’un « M. Lépine, » une circulaire (21 janvier 1652) propre à la compromettre ; on comprend même que, pour faciliter la réponse, elle recommande un petit mensonge pieux : S’il vous plaît de faire réponse, il faut adresser les lettres à Lépine, maître d’hôtel du Roy, rue Matignon, derrière Saint-Thomas du Louvre… Et mettre sur le paquet : « Pour les expresses affaires du Roy. » Parce que, dit-elle, il n’est pas inexact de soutenir « que les plus importantes et les plus expresses affaires qu’aient Leurs Majestés, c’est de procurer et avancer la gloire de Dieu qui les fait régner… »

Mais ce n’est pas seulement dans ces temps difficiles que la Compagnie du Saint Sacrement travaille à entretenir les ténèbres autour d’elle. C’est en tout temps.

Elle écrit : avec quelle cauteleuse prudence ! « Mandez-nous bien précisément le nom, la qualité et la demeure, en cette ville, » de celui des membres ou de la personne autre, à laquelle « nous pourrons, confidemment, adresser nos lettres pour vous les faire rendre et tenir avec assurance. » D’ailleurs, à la moindre alerte, dès que l’on peut soupçonner une infidélité de la poste, on change d’adresse ou d’intermédiaire, et on enseigne aux Marseillais, pour la conservation de leurs archives, l’ingénieux expédient employé à Paris : « mettre sur le coffre une étiquette au nom d’une personne des plus qualifiées de la Compagnie. »

La Compagnie de Paris estime, avec raison, qu’il est salutaire d’établir entre elle et ses succursales le lien des visites réciproques, et elle ne peut empêcher qu’entre ses succursales aussi, on ne se rende visite : mais quelles circonspections méticuleuses afin que les lettres de recommandation et de présentation exigées d’un visiteur ne soient pas égarées !

La Compagnie du Saint Sacrement est heureuse de se propager. Mais combien la sagesse règle sa fécondité ! C’est le 25 février 1642 que la Compagnie de Marseille annonce à celle de Paris le projet d’établissement d’un groupe à Grenoble ; ce n’est que le 15 mai que la Compagnie de Paris se décide à communiquer les statuts, en recommandant bien qu’il n’en soit point « abusé. » « Cela est de très grande importance pour garder fidèlement le secret dont vous savez que nous faisons particulièrement profession. » Et ce qui nous est dit par Voyer d’Argenson, des