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de traces existaient probablement de cette solidarité pieuse pour que la Compagnie pût espérer de s’effacer. Elle prit le parti de mettre dans un secret nécessaire le nouvel évêque, qui accepta de fréquenter, avant d’aller en son diocèse, la Compagnie de Paris, afin d’être initié par elle à « son esprit. » S’il le prit, c’est une autre affaire. Mais tous ces cas nous montrent qu’à l’égard des puissances ecclésiastiques, la Compagnie du Saint Sacrement savait faire la part des circonstances, éviter les cachotteries inutiles, se plier aux confidences opportunes. Seulement, c’étaient des exceptions : la correspondance de Paris avec Marseille l’atteste par des silences significatifs. Quand il s’y agit de la fondation des Compagnies de Grenoble et de Montpellier, il n’est pas soufflé mot des évêques de ces diocèses. Même bons, — et c’était le cas de l’évêque de Grenoble, Pierre Scarron, — elle les ignorait volontiers. Et cette indépendance était conforme, tout à fait, aux principes fondamentaux de la Compagnie de Paris, où l’intervention de l’évêque, soit dans la formation de compagnies nouvelles, soit dans l’activité ordinaire de la Société, n’est prévue que d’une façon hypothétique, comme un accident, non comme une condition. Inutile d’ajouter que la Compagnie se passait encore plus facilement du curé. On ne l’appelait ni comme fondateur, ni comme chef ; on l’admettait seulement comme membre, s’il le méritait, et s’il pouvait être un informateur utile.

Quant à la défiance de la Compagnie vis-à-vis du pouvoir civil, elle admit apparemment moins d’exceptions encore. En ce qui concerne le Roi, la correspondance de Paris avec Marseille nous oblige de nouveau à penser que, sous Louis XIII, la Compagnie-mère se contenta de la lettre par laquelle, le 27 mai 1631, il avisait l’archevêque de Paris de la permission qu’il lui avait donnée de s’assembler. Et sous Louis XIV, elle n’éprouva pas davantage le besoin de faire renouveler cette « autorisation » très sommaire.

En revanche, ce que cette correspondance nous montre copieusement, c’est la réalité de tous les mystères que relatait déjà le récit de Voyer d’Argenson, mystères parfois si mélodramatiques, que, sur son seul témoignage, on pouvait être tenté d’accuser d’exagération l’imagination du dévot vieillard. Et certes, l’on comprend que, pendant la Fronde, en 1652, quand la Compagnie de Paris, noblement émue des malheurs et du désordre