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toujours indispensable qu’elle se dissimulât à eux. S’il est vrai que la majorité des évêques, dans le premier quart du XVIIe siècle, se désintéressa de cette régénération du catholicisme français, dont les hommes pieux ressentaient le besoin, tous les évêques n’étaient pas sourds à ces justes impatiences. Il y en avait qui pensaient, qui agissaient d’une façon conforme aux souhaits des Dévots du Saint Sacrement.

Et précisément de cette double espèce d’exception, l’histoire de la Compagnie de Marseille nous offre l’exemple. Avec trois au moins des évêques qui occupèrent le siège entre 1639 et 1662 : François de Loménie, Jean-Baptiste Gault, Etienne du Puget, le groupe marseillais fut en rapport. Pour Loménie, cependant, la chose n’est pas certaine. Ce fut sous lui que la Compagnie de Marseille se forma, mais dans les tout derniers jours de son épiscopat et en son absence ; Loménie avait même déjà rendu le dernier soupir dans son pays natal, près de Limoges, lorsque son grand vicaire Dantès délivra, en son lieu et place, à la Compagnie nouvelle, l’autorisation épiscopale. Il se peut toutefois que l’évêque fût au courant : c’était un bon prélat, qui avait travaillé en conscience à cette restauration de l’autorité épiscopale, qui était la première condition de la réforme désirée du catholicisme ; le Saint Sacrement n’avait pas à se cacher de lui. Et puis, il était neveu d’Antoine de Loménie, ce secrétaire d’Etat qui, le 27 mai 1631, avait contresigné[1] la lettre de Louis XIII engageant l’archevêque de Paris à protéger la Compagnie du Saint Sacrement à son berceau ; la pieuse société ne pouvait pas se flatter de lui être inconnue. — A Eustache Gault, qui mourut à peine sacré et sans être venu à Marseille, elle aurait eu moins de raisons encore d’essayer de se dérober. C’était un membre de cette congrégation de l’Oratoire, d’où étaient parties, à Paris, les premières inspirations de la Compagnie parisienne du Saint Sacrement, et dont le couvent, à Marseille, fut le premier domicile de la succursale marseillaise. — Jean-Baptiste Gault, qui hérita de l’évêché de son frère, n’était pas seulement, lui aussi, un oratorien, ami intime et excellent disciple de ce P. de Condren, l’un des fondateurs de la Compagnie ; ce n’était pas seulement un saint homme d’action, ascète énergique, qui montait sur le siège de Marseille, « avec la passion d’établir

  1. Voyez la Revue du 1er juillet 1903, p. 51.