Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 46.djvu/860

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Saint-Antoine, l’abbé de Barberet avait créé une maison analogue à la sienne, et deux ans à peine auparavant, la pieuse demoiselle Marie Delpech de l’Étang fondait, et sous l’invocation de Saint-Joseph elle aussi, un établissement hospitalier et d’éducation pour les filles pauvres.

Où l’imprudent abbé était encore plus malavisé, c’était de superposer à ses plans d’organisation une philosophie, un système religieux et moral. De ce principe incontesté que l’éducation est la préparation de la vie, il induisait que la vie est, logiquement, une chose bonne. Mais le christianisme ne dit-il pas, et le catholicisme du XVIIe siècle n’aimait-il pas à redire le contraire ? Ce qu’il recommande essentiellement, n’est-ce pas la lutte contre la nature ? — De cette difficulté, le pauvre Portmorand croyait se tirer par des distinguo de bon sens. Sans doute il faut résister à la nature, mais « il ne faut pas essayer de la détruire. » En la ménageant, on la désarme. Voyez, disait-il, la gourmandise : d’où vient qu’elle est aisée à maîtriser ? C’est qu’on pactise avec elle, qu’on lui accorde quelque chose. Pourquoi la concupiscence est-elle plus redoutable ? C’est qu’on la traite sans rémission, qu’on veut la mater tout à fait, sans lui concéder rien. On a tort. La nature résiste et s’échappe. « Elle a de merveilleuses industries et des ressorts inexplicables pour trouver son compte tôt ou tard, de façon ou d’autre, » — et, sur ce point délicat, Portmorand ne craignait pas d’apporter des précisions, de dénoncer ces « débordemens » de l’instinct perverti, si fréquens parmi les personnes en religion comme parmi les laïques, de dire tout haut, sur les hontes « du siècle, » ce que « peu de gens savent, et ce que ceux-là passent pour hypocondres, qui, le sachant, le publient. » — Il faut donc satisfaire les sens en quelque mesure, leur « donner à propos la curée, pour empêcher qu’ils ne deviennent faméliques et gloutons. » Que les confesseurs ne soient pas, sur cet article, trop pointilleux ; qu’ils évitent « de décourager ceux qui transgressent la loi quand ils gémissent dans leur chute, » et surtout, que l’on ne flétrisse plus « l’œuvre de chair du nom de vilenie, d’abomination et d’ordure ; » que l’on « relève » à tout prix le sacrement du mariage « de la poussière et de l’opprobre où le diable l’a mis. » C’est le thème favori de Portmorand. Pourquoi présenter la femme comme l’obstacle un salut ? C’est « le plus sévère » de tous les apôtres, saint Pau ! qui a dit :