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Marseille nous montre qu’il n’en est rien, et que la Compagnie de Paris est loin de se désintéresser du maintien, dans son vaste troupeau, des exercices religieux, ressorts de zèle pratique, établis par les fondateurs. Avec tact, et tout en respectant l’initiative de Marseille, elle la documente, à cet égard, assidûment Elle lui adresse tantôt « un livre de prières qui se disent » à Paris « à l’ouverture et à l’issue de la Compagnie, lequel on a fait imprimer pour la commodité des ecclésiastiques de notre Compagnie ; » tantôt « un petit traité fait par M. l’évêque de Grasse [Godeau], touchant l’honneur et le culte qui se doivent rendre au Très Saint Sacrement de l’autel. » Elle éclaire enfin, au besoin, les scrupules des Marseillais dans des cas difficiles. Une certaine « poudre de sympathie, » inventée depuis quelque temps déjà par l’Anglais Digby, venait d’être, de nouveau, prônée par lui dans une conférence publique à Montpellier : drogue merveilleuse, composée de poudre de vitriol séchée et de gomme adragante, qui, pour guérir, disait-il, « n’avait pas besoin d’être appliquée sur le lieu malade. » Il suffisait de la « répandre sur un linge teint du sang ou du pus d’une blessure, » pour que, par la vertu de ses effluves, elle arrêtât l’hémorragie, cicatrisât la plaie, « quelque distance qu’il pût y avoir entre elle et la partie blessée. » Les confrères de Marseille ne savaient qu’en penser : ceux de Paris, éclairés par les savans qui avaient, depuis longtemps, discrédité la fameuse poudre, font connaître à leurs amis que, des expériences faites, il paraît résulter que « la vertu dudit remède ne peut pas se continuer de loin jusqu’au blessé. » « Une chose si extraordinaire ne pourrait venir que d’un mauvais principe, » et le mieux est « de prier MM. les grands vicaires de l’interdire. »

A travers ces menus conseils spirituels, une préoccupation apparaît, par intervalles, plus générale et très intelligente : celle de réveiller, de temps à autre, et de faire circuler dans la vaste affiliation, les idées hautes, les sentimens ardens, les nobles ambitions nourricières d’initiatives hardies. C’est ce que nous montrent quelques documens d’un ton tout particulier, visiblement soignés dans leur forme emphatique, imagée, à la Senault ou à la Camus, et qui, dans leur fond, sont comme les mandemens de la Compagnie de Paris. Telle est la suivante, signée, comme à l’ordinaire, par les chefs officiels de la Compagnie à cette date (8 novembre 1645) :